samedi, novembre 19, 2005

Les ambitions européennes du géant russe Gazprom

L'empire Gazprom attaque et son offensive risque de bouleverser le marché français du gaz dans les prochaines années. C'est ainsi que les experts analysent l'annonce par le directeur des affaires internationales du géant russe de vendre directement cet hydrocarbure aux industriels et aux collectivités locales, alors qu'il se contentait, depuis 1975, d'être l'un des principaux fournisseurs de Gaz de France. "Notre objectif est de couvrir, à terme, 10 % du marché français", a indiqué Stanislav Tsygankov, jeudi 17 novembre, dans un entretien à La Tribune.


Dans un arrêté publié cette semaine, le gouvernement français a donné son feu vert à ce groupe tentaculaire, véritable bras armé de Vladimir Poutine : aux côtés d'Alexeï Miller, PDG depuis 2001, siège un président du "board" des directeurs, Dmitri Medvedev, que Vladimir Poutine vient de nommer premier vice-premier ministre.

M. Tsygankov a assuré que Gazprom n'entend pas rompre les contrats d'approvisionnement à long terme qui assurent 25 % du gaz vendu par GDF. Ni d'" aller vendre en direct aux clients de GDF", a-t-il expliqué. "Mais à chaque fois que l'un d'eux voudra changer de fournisseur, il sera une opportunité pour nous", a-t-il précisé, avant d'ajouter que "par expérience, nous nous intéressons aux grands clients industriels".

Officiellement, GDF n'a pas interprété ces propos comme une déclaration de guerre. Lors d'un colloque sur la libéralisation des marchés de l'énergie, le 16 novembre, son PDG, Jean-François Cirelli, affichait sa sérénité et vantait "les bienfaits de l'ouverture", qui est "la pire des solutions à l'exception de toutes les autres". L'opérateur historique détient 80 % du marché, devant Total (10 %), Suez (5 %) et les autres (l'italien Eni, l'allemand E.ON, le britannique BP et des régies municipales).

La Russie détient un atout maître : le quart des réserves mondiales, dont 87 % pour Gazprom, qui vient de racheter Sibneft, cinquième pétrolier russe. S'il était un pays, Gazprom se classerait au troisième rang pour les réserves d'hydrocarbures, derrière l'Arabie saoudite et l'Iran. GDF, lui, ne produit que 10 % du gaz qu'il vend, même s'il vise 15 % à moyen terme.

"Le géant russe a accès à la ressource à un moment où la consommation de gaz est orientée à la hausse, note Damien Heddebaut, responsable du pôle énergie d'Eurostaf. Il va devenir incontournable. D'autant qu'une bataille de plus en plus dure se joue pour l'accès au gaz russe, convoité à la fois par l'Europe, les Etats-Unis, le Japon et la Chine."

En 2010, les dirigeants de Gazprom espèrent vendre 180 milliards de mètres cubes aux Européens, contre 145 milliards en 2004. Car le géant ne peut vivre seulement de son marché intérieur, où il est contraint de vendre aux industriels 1 000 m3 de gaz pour 30 dollars seulement, alors qu'il peut l'écouler pour environ 150 dollars en Europe de l'Ouest. Ainsi, il tire les deux tiers de ses profits du tiers de sa production : celle qui est vendue à l'étranger.

Encore cette vente n'est-elle pas optimale. En contrepartie de l'achat de gros volumes de gaz dans le cadre de contrats à long terme, comme il le fait avec GDF, Gazprom doit en effet consentir des rabais. Au moment où la demande et les prix du gaz augmentent, il se prive ainsi d'une confortable marge, dont bénéficient des entreprises comme GDF ou Eni.

La Commission européenne n'est pas étrangère au regain d'appétit de Gazprom. Dans les contrats liant producteurs et vendeurs de gaz, elle entend mettre un terme aux dispositions qui, selon elle, entravent la libre concurrence. Comme la "clause de destination" interdisant par exemple à GDF de revendre son gaz hors de France, en échange d'un engagement de Gazprom à ne pas démarcher de clients dans l'Hexagone.

C'est ce verrou que Gazprom et Eni vont faire sauter en Italie. Depuis plusieurs années, l'entreprise russe a aussi poussé ses pions en Allemagne, devenue un véritable allié stratégique. Elle y détient 35 % de Wingas. Cette société de négoce et de commercialisation de gaz veut faire jouer à plein la concurrence en profitant des attaques de l'Office anti-cartel contre E.ON Ruhrgas et RWE.

L'intérêt affiché par Gazprom pour la France confirme ses ambitions sur le Vieux Continent, à qui elle fournit déjà 27 % du gaz et sans doute près de 40 % dans quinze ans, notamment en raison d'un accroissement de la demande d'électricité. En Europe, la part de la production de courant à partir de centrales au gaz devrait bondir de 15 % en 2002 à plus de 35 % en 2030, estime l'Agence internationale de l'énergie (AIE).

Face à l'inquiétude que suscite cette dépendance croissante vis-à-vis de la Russie chez les dirigeants européens, politiques ou patronaux, M. Poutine se veut apaisant. "Plus un produit est abondant sur un marché, plus il est bon marché et plus les prix sont stables", déclarait le président russe, le 3 octobre, à Bruxelles. La stabilité viendra aussi, ajoutait-il, de l'entrée de sociétés russes de distribution d'électricité et de gaz sur le marché européen et de la participation de firmes européennes aux projets d'infrastructures destinés à valoriser les richesses du sous-sol russe.

"Au cours des deux prochaines décennies, une compagnie pourrait modifier l'équilibre des pouvoirs sur le marché européen de l'énergie : Gazprom", note le cabinet Wood Mackenzie. A condition qu'elle trouve dans ses fonds propres et chez ses partenaires 240 milliards de dollars à investir d'ici à 2020. Gazprom est présent dans la plupart des projets destinés à développer et à moderniser un secteur des hydrocarbures russes vieillissant : exploitation de champs gaziers géants (Sakhaline, mer de Barents), construction d'usines de liquéfaction de gaz, installation de gazoducs géants (projet germano-russe sous la Baltique).



Jean-Michel Bezat

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Chiffres


Gaz de france


Effectifs. 38 000 salariés.
Chiffre d'affaires. 18,2 milliards d'euros en 2004.
Ses réserves représentent 10 % du gaz vendu à ses clients.


Gazprom


Effectifs. 330 000 salariés.
Chiffre d'affaires. 28 milliards d'euros en 2004 (hors rachat du pétrolier Sibneft en octobre).
Le groupe est détenu à 50 % par l'Etat russe. Il contrôle environ 87 % des réserves prouvées de gaz en Russie, soit environ 20 % des réserves mondiales.


Les prix

Ils ont augmenté entre septembre 2004 et septembre 2005. Selon Nus Consulting Group, le Royaume-Uni est en tête pour les industriels et les particuliers (+ 35 % en moyenne), suivi par la Belgique, le Danemark, l'Allemagne, l'Espagne et la Suède. La hausse a été moindre en France : + 11,30 % en moyenne pour le chauffage domestique, + 12,90 % pour l'usage industriel.


La production

En baisse en Grande-Bretagne. Celle des Pays-Bas décroîtra à partir de 2008. La date du "peak" de la Norvège n'est pas encore connue.

Le G7 souhaite plus d'investissements pétroliers

RYAD (Reuters) - Thierry Breton déclare à Ryad que les pays les plus industrialisés membres du G7 souhaitent plus d'investissements dans la production et le raffinage de pétrole.

Le ministre français de l'Economie s'est rendu en Arabie saoudite en compagnie du chancelier de l'Echiquier Gordon Brown porteur d'un message du G7 aux producteurs de pétrole en faveur d'investissements accrus des producteurs dans les secteurs du pompage et du raffinage.

Pour Breton et son homologue britannique, cet appel vise à aider à limiter l'envolée des cours du pétrole qui, a souligné le ministre français, a eu une incidence négative sur l'économie mondiale.

Brown s'est quant à lui félicité de la décision de l'Arabie saoudite, premier exportateur mondial de pétrole, de créer une banque mondiale de données de pays producteurs et consommateurs.

"J'applaudis l'initiative prise par l'Arabie saoudite et son roi (...) qui, je pense, apportera une plus grande stabilité à long-terme aux secteurs à la fois du pétrole et de l'énergie, et de ce fait à l'économie mondiale", a-t-il dit.

Breton et Brown se sont rendus ce week-end en Arabie saoudite pour assister au premier Forum international sur l'énergie de Ryad, qui vise à promouvoir le dialogue entre producteurs et consommateurs.

"Le G7 nous a demandé d'aller à Ryad et de discuter avec les grands pays producteurs pour instaurer ce type de dialogue", a déclaré le grand argentier français.

"Il faut investir plus dans les capacités de production et en faire autant pour le raffinage. Et nous développerons aussi dans nos pays des sources d'énergie alternatives et une politique renforcée d'économies d'énergie".

"Le pétrole a presque doublé en 2005, ce qui a naturellement eu une grosse incidente sur l'économie mondiale", a-t-il noté.

Prié de dire si le gouvernement français allait réduire les taxes frappant les produits pétroliers, Breton a répondu: "Nous voulons maintenir la consommation à un niveau raisonnable".

vendredi, novembre 18, 2005

Algérie et la Loi sur les hydrocarbures

Installation des agences de régulation du secteur
Ouyahia rassure les détracteurs de la loi sur les hydrocarbures


L’application de la nouvelle loi sur les hydrocarbures a connu hier son premier pas avec l’installation des deux agences de régulation du secteur devant avoir pour charge l’octroi des contrats, le contrôle de l’activité minière en matière d’hydrocarbures ainsi que la collecte de la redevance et le transport et stockage des hydrocarbures.
Le chef du gouvernement qui a procédé à l’installation hier des deux agences au siège de Sonatrach, s’est voulu rassurant en énonçant dans son discours les biens faits de la dite loi. Longtemps décriée par certains syndicats, économistes et partis politiques, la loi sur les hydrocarbures dira Ahmed Ouyahia « n’est qu’une œuvre humaine, un acte de gouvernance qui demeurera suivi de prés, les évaluations qui en découleront dicteront l’avenir en la matière…» dira-t-il comme pour assurer que toute loi est modifiable. Et d’ajouter dans son plaidoyer « des voix s’élèvent dans notre pays, s’interrogeant sur la nécessité de mettre en oeuvre la nouvelle loi sur les hydrocarbures alors que les prix du pétrole sont élevés…ces voix semblent oublier que les prix actuels sont définitivement condamnés à régresser fortement dans quelques années…prions donc dieu pour que ce retournement du marché pétrolier soit seulement le plus tardif possible…ces mêmes voix semblent aussi oublier que la nouvelle loi sur les hydrocarbures qui sera applicable qu’aux futurs permis, ne donnera des résultats palpables que dans quelques années, du fait des délais nécessaires à l’attribution de nouveaux contrats de recherches et à l’exploration des périmètres avant d’arriver à la production et donc aux revenus qui en découleront ». Sur le plan social, le chef de l’exécutif soulignera que « les coûts de l’énergie et surtout d’affectation de la charge qui en découle ne seront réalisés ni brutalement, ni encore moins au détriment des consommateurs locaux » assurera Ouyahia. Ce dernier affirme encore que tout se fera de manière graduelle dans le stricte respect de la justice sociale « l’entreprise publique nationale n’a pas, dans aucun secteur, vocation à assumer les charges induites par la politique sociale nationale…il revient à l’Etat, à travers le budget public, d’assumer la charge financière induite par la politique sociale qu’il entend appliquer » dira Ouyahia et d’ajouter « c’est à travers cette approche que le gouvernement entend maintenir et promouvoir de manière durable, la politique nationale de justice sociale et de solidarité en matière d’énergie.. ;Cette politique sera donc à l’avenir déployée dans le cadre de la transparence qui garantira ainsi sa finalité sociale, loin de toute déperdition des finances au profit des rentes ». Ceci en assurant que la mise en œuvre de la nouvelle loi sera accompagnée par un dialogue social en direction des travailleurs du secteur « les travailleurs du secteur peuvent regarder vers l’avenir avec sérénité ». Afin de renforcer son argumentaire, Ouyahia rappellera le taux jamais atteint avant de 750 milliards de dollars de transfert sociaux multiformes à raison de 10 MDS par an. Et de se référer aussi au programme quinquennal de soutien à la croissance d’un montant de 55 milliards dollars devant atteindre aujourd’hui 60 Milliards avec les programmes d’aide aux wilayas du sud et hauts plateaux en cours de mise au point.
Une santé financière qui demeure totalement dépendante de la production en hydrocarbures et à la volatilité du marché pétrolier.
Un budget d’un million de dollars pour ALNAFT et ARH
L’installation des deux agences que sont ALNAFT (agence nationale pour la valorisation des ressources en hydrocarbures) et l’ARH (autorité de régulation des hydrocarbures) obéit, soutient le chef du gouvernement, à la démarche d’adaptation de l’économie nationale aux règles et impératifs de la compétitivité, de la transparence et la productivité maximale. A cet effet, le représentant de l’Etat citera un nombre d’orientations notamment l’accroissement de la mise en valeur de prés de la moitié du domaine minier en matière d’hydrocarbures. Suivant les dispositions de la loi sur les hydrocarbures, les deux agences doivent soumettre toute attribution de nouveaux permis à la décision ultime et préalable au Conseil des Ministres, et présenter par le biais du ministère de l’énergie, des évaluations et recommandations périodiques au Conseil National de l’Energie présidé par le chef de l’Etat. Si l’Anaft s’acquittera de la tache de promotion des investissements, de contrôle et de collecte de la redevance applicable à toutes les compagnies pétrolières y compris la Sonatrach ; l’ARH pour sa part veillera au respect des principes de sécurité, de santé et d’environnement ainsi que l’activité de transport et de stockage des hydrocarbures. Le ministre de l’énergie et des mines Chakib Khelil a précisé que le budget que l’Etat allouera aux deux agences s’élèvera à 01 million de dollar par an « un premier versement de 500 milles dollars sera effectué bien tôt ».



15-11-2005
Nadjia Bouaricha

lundi, novembre 07, 2005

Chine : projet de loi sur le développement du pétrole et du gaz

Chine : projet de loi sur le développement du pétrole et du gaz

Par Elisabeth Studer

La Chine va élaborer un projet de loi sur le développement du pétrole et du gaz afin de résoudre le problème de la pénurie énergétique, a-t-on appris de la Commission d'Etat pour le développement et la réforme de Chine (NDRC) en début de semaine. Cette nouvelle fait suite à une réunion sur le travail de préparation du Bureau de l'énergie de la NDRC, qui avait invité des experts d'universités et d'instituts de recherche, ainsi que des représentants de certaines entreprises.

La Chine fait face à une pénurie de pétrole et de gaz. Les importations pétrolières ont représenté près de 40 % du total de la consommation du pays et les experts ont prévu que la demande énergétique serait encore plus forte dans les années à venir.

Un projet de loi sur le développement pétrolier et gazier aiderait à accélérer le développement de l'industrie pétrolière, a estimé un responsable du Bureau de l'énergie.

Pour rappel :

La Chine a renoncé fin juillet 2005 à la parité fixe entre sa devise et le dollar américain pour laisser flotter le yuan, désormais lié à un panier de devises étrangères. Le yuan avait été réévalué à un taux de 8,11 par rapport au dollar, contre un taux fixe depuis quasiment dix ans à 8,28.

La politique précédente avait suscité la colère de Washington, qui accusait Pékin de maintenir un yuan artificiellement bas d'environ 40% en dessous de sa valeur pour renforcer la compétitivité des exportations chinoises. Les partenaires commerciaux de la Chine comme les Etats-Unis, le Japon ou l'Union européenne estimaient pour leur part depuis plusieurs années que l'ancien niveau du yuan, qu'ils jugeaient sous-évalué, pénalisait leurs économies en procurant aux marchandises chinoises un avantage compétitif artificiel.

mardi, novembre 01, 2005

L’oléoduc qui «fidélise» la Géorgie

L’oléoduc qui «fidélise» la Géorgie

Mercredi, le groupe pétrolier britannique British Petroleum inaugurait la fin des travaux sur la section géorgienne de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan. Les présidents turcs et azéris étaient reçus par leur homologue géorgien, Mikhaïl Saakaachvili. Ce dernier n’a pas manqué de rappeler l’importance politique de ce nouveau corridor énergétique fortement soutenu par Washington.

De notre correspondante à Tbilissi

«Il s’agit de bien plus que de gaz et de pétrole». C’est en ces mots que le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili inaugurait ce mercredi la fin des travaux de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) sur le territoire géorgien en présence de ses homologues turc et azéri. «Ce jour est historique pour nous, a-t-il ajouté. Notre région n’est plus une impasse, elle gagne en importance et surtout, en indépendance». Le pétrole désormais circule dans la section géorgienne du BTC et devrait, selon le directeur général de British Petroleum dans le Caucase, Iain Conn, atteindre le grand port turc de Ceyhan, «avant la fin 2006

Ce sont un million de barils qui transiteront alors chaque jour par le second plus long pipeline du monde, soit 1% de la production quotidienne mondiale. 1 768 kilomètres de tube qui d’ici quelques mois donneront aux réserves de la Mer caspienne un débouché sur les marchés européens. Un projet de 4,5 milliards de dollars financé en grande partie par la Banque mondiale et mené par un consortium d’entrepreneurs occidentaux dominé par le Britannique British Petroleum.

Pour Mikhaïl Saakachvili, le BTC a rendu «la Géorgie plus visible sur la carte». Mais surtout, il lui a donné «une sécurité énergétique». L’oléoduc est en effet doublé d’un gazoduc reliant les réserves de la Caspienne au réseau turc. En échange de ce droit de passage, la Géorgie recevra 5% du volume transporté et bénéficiera de tarifs privilégiés.

La Géorgie, jusqu’alors exclusivement alimentée par la Russie, sera ainsi en mesure de diversifier ses sources d’approvisionnement, et gagnera du même coup en indépendance. «Nous n’avons pas mené une politique anti-russe», justifie l’ambassadeur américain pour l’Energie dans le Caucase, Steven Mann. «Nous avons mené une politique anti-monopole».

Neutraliser la Russie et l’Iran

Pourtant, le Bakou-Tbilissi-Ceyhan donne bien aux réserves pétrolières de la Caspienne un débouché sur les marchés européens en contournant le marché russe. Les Etats-Unis sont devenus très présents dans le Caucase depuis les attentats du 11 septembre ; les réserves de la Caspienne promettent une certaine sécurité énergétique, mais surtout le développement d’alliances dans le Caucase et en Asie Centrale permet d’encercler le problématique Iran et de contrer les velléités post-coloniales de Moscou dans l’ancien espace soviétique. Au cours des derniers mois, les Etats-Unis ont interdit plusieurs contrats à la Géorgie. Avec l’Iran d’abord : la Géorgie a été dissuadée par Washington de commercer du gaz et invitée à consommer plutôt du gaz turc. Le second, avec la Russie. Le groupe russe Gazprom proposait de racheter le gazoduc déjà existant en Géorgie, le Bakou-Soupsa. Cette fois, la Géorgie a signé un contrat avec les Etats-Unis dans le cadre du Millenium Challenge dans lequel elle s’engage à ne pas privatiser le gazoduc avant 2010.

On accuse aussi les Etats-Unis d’avoir surestimé les réserves de la Caspienne pour justifier de leur investissement dans le projet BTC. Baptisé par la presse de «tracé politique», le pipeline pourrait en effet ne pas être rentable, ni même être une source de grands revenus pour les pays traversés. La Géorgie ne recevra que 50 millions de dollars par an pour le passage du tube sur son territoire. La relativité de l’intérêt économique justifierait de la dimension toute stratégique du projet.

Les investisseurs du BTC s’intéressent maintenant aux réserves de l’Asie Centrale et espèrent faire transiter par l’oléoduc le pétrole kazakh. «Il y a eu plusieurs confirmations de la part des autorités kazakhs et même du président Nazarbayev de faire transiter leur pétrole par le BTC», assure l’Ambassadeur Mann. L’oléoduc ajouterait alors à sa mission diplomatique et gagnerait en ferveur économique.

(Carte : GéoAtlas/N.Guillemot/RFI)


Claire Delessard
Article publié le 12/10/2005
Dernière mise à jour le 12/10/2005 à 18:57 (heure de Paris)

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Tchad : Le modèle pétrolier contesté

Le Tchad persiste et signe dans sa volonté de réviser la loi régissant les revenus pétroliers, qu'il juge inadaptée. Cette loi, «modèle» de lutte contre la pauvreté, prévoit d’épargner une partie des recettes pétrolières à l’intention des générations futures. Un modèle fortement recommandé, sinon exigé, par la Banque mondiale. Du coup, celle-ci émet aujourd’hui des réserves concernant l’initiative du gouvernement.


«Les populations sont frustrées. L’opinion ne comprend pas pourquoi il lui faut épargner une partie des revenus pétroliers au profit des générations futures alors que nous vivons au jour le jour des difficultés pour faire face aux besoins des générations actuelles.» Mahamat Nasser Hassan, ministre tchadien du pétrole répondait, dans un point de presse vendredi, aux réserves émises par la société civile, mais également par la Banque mondiale, concernant la volonté tchadienne de revoir la loi intitulée 001, qui régit les trois champs pétroliers de Miandoum, Bolobo et Komé dans le bassin de Doba au sud du pays.

Doubler la part du Trésor tchadien

Selon cette loi du 11 janvier 1999, 10% des revenus doivent aller aux générations futures, soit une épargne équivalant à ce jour à 20 milliards de francs CFA. Parmi les 90% restant, 80% sont consacrés aux secteurs prioritaires (santé, éducation…), 15% au fonctionnement du Trésor et 5% au développement de la région pétrolière. «Le concept de générations futures est en soi fort louable, mais l’avenir pourrait être mieux sécurisé si ces ressources servaient à léguer à ces générations futures plus d’infrastructures et à mieux les éduquer par exemple», expliquait le Premier ministre, la semaine dernière, devant les diplomates et les bailleurs de fonds. Depuis une semaine, ce qui n’était qu’une rumeur persistante depuis un an est devenu réalité.

Le Tchad estime que la loi est inadaptée. Il déploie tous les moyens pour en convaincre l’opinion internationale et nationale. Le gouvernement souhaite doubler la part qui revient au Trésor et élargir le concept de secteurs prioritaires à la sécurité et l’administration publique. Cette initiative soulève des «réserves» du côté de la Banque mondiale, qui a publié un communiqué depuis Washington. Elle pointe les graves défaillances observées dans la gestion des finances publiques et reconnues par le gouvernement tchadien lui-même. C’est la résolution de ces problèmes qui permettra d’atteindre les objectifs de réduction de la pauvreté et non la révision de la loi 001, dit-elle en substance.

«Malgré les critiques sur l’absence de résultats concrets, après deux ans d’exploitation du pétrole, les citoyens tchadiens commencent à jouir de quelques réalisations, en dépit des faiblesses constatées dans l'exécution des dépenses publiques», plaide N’Djamena. Dernier argument en date avancé par le ministre du pétrole : la loi ne régit pour le moment que trois champs pétroliers alors que le consortium dirigé par Esso ne cesse de faire de nouvelles découvertes. Selon les autorités, il est donc urgent d’amender cette loi pour qu’elle couvre l’étendue du territoire.

Un habillage pour mieux piller les recettes pétrolières ?

«C’est un habillage pour mettre à plat le dispositif et cacher les vrais problèmes», estime Gilbert Maounodonodji, du groupe de recherche Monitoring pétrole Tchad-Cameroun, qui estime que «la crise sociale est délibérément entretenue et la frustration des fonctionnaires, des étudiants, des retraités et de la population tchadienne toute entière, est instrumentalisée pour arriver aux fins du démontage du mécanisme de gestion. Pendant ce temps, les responsables de détournement des deniers publics continuent de piller davantage les recettes et en toute impunité».

Arriérés de salaires, retraites non versées, Trésor asphyxié, les tensions financières n’ont en tout cas jamais atteint un tel niveau alors que le pays entame sa troisième année d’exploitation pétrolière. «Finalement, cette volonté est compréhensible et il ne s’agit pas de montants si élevés que cela», relativise un diplomate de N’Djamena. Selon ce dernier, «le problème est que le Tchad ne parvient pas à utiliser les revenus déjà existants. Ce n’est pas un problème d’argent, mais de compétences et de gestion publique. C’est finalement nous, bailleurs depuis des années qui devrions nous remettre en cause, car nous n’avons rien fait pour changer les choses».


Stéphanie Braquehais
Article publié le 31/10/2005