De notre correspondante à Tbilissi
«Il s’agit de bien plus que de gaz et de pétrole». C’est en ces mots que le président géorgien, Mikhaïl Saakachvili inaugurait ce mercredi la fin des travaux de l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan (BTC) sur le territoire géorgien en présence de ses homologues turc et azéri. «Ce jour est historique pour nous, a-t-il ajouté. Notre région n’est plus une impasse, elle gagne en importance et surtout, en indépendance». Le pétrole désormais circule dans la section géorgienne du BTC et devrait, selon le directeur général de British Petroleum dans le Caucase, Iain Conn, atteindre le grand port turc de Ceyhan, «avant la fin 2006.»
Ce sont un million de barils qui transiteront alors chaque jour par le second plus long pipeline du monde, soit 1% de la production quotidienne mondiale. 1 768 kilomètres de tube qui d’ici quelques mois donneront aux réserves de la Mer caspienne un débouché sur les marchés européens. Un projet de 4,5 milliards de dollars financé en grande partie par la Banque mondiale et mené par un consortium d’entrepreneurs occidentaux dominé par le Britannique British Petroleum.
Pour Mikhaïl Saakachvili, le BTC a rendu «la Géorgie plus visible sur la carte». Mais surtout, il lui a donné «une sécurité énergétique». L’oléoduc est en effet doublé d’un gazoduc reliant les réserves de la Caspienne au réseau turc. En échange de ce droit de passage, la Géorgie recevra 5% du volume transporté et bénéficiera de tarifs privilégiés.
La Géorgie, jusqu’alors exclusivement alimentée par la Russie, sera ainsi en mesure de diversifier ses sources d’approvisionnement, et gagnera du même coup en indépendance. «Nous n’avons pas mené une politique anti-russe», justifie l’ambassadeur américain pour l’Energie dans le Caucase, Steven Mann. «Nous avons mené une politique anti-monopole».
Neutraliser la Russie et l’Iran
Pourtant, le Bakou-Tbilissi-Ceyhan donne bien aux réserves pétrolières de la Caspienne un débouché sur les marchés européens en contournant le marché russe. Les Etats-Unis sont devenus très présents dans le Caucase depuis les attentats du 11 septembre ; les réserves de la Caspienne promettent une certaine sécurité énergétique, mais surtout le développement d’alliances dans le Caucase et en Asie Centrale permet d’encercler le problématique Iran et de contrer les velléités post-coloniales de Moscou dans l’ancien espace soviétique. Au cours des derniers mois, les Etats-Unis ont interdit plusieurs contrats à la Géorgie. Avec l’Iran d’abord : la Géorgie a été dissuadée par Washington de commercer du gaz et invitée à consommer plutôt du gaz turc. Le second, avec la Russie. Le groupe russe Gazprom proposait de racheter le gazoduc déjà existant en Géorgie, le Bakou-Soupsa. Cette fois, la Géorgie a signé un contrat avec les Etats-Unis dans le cadre du Millenium Challenge dans lequel elle s’engage à ne pas privatiser le gazoduc avant 2010.
On accuse aussi les Etats-Unis d’avoir surestimé les réserves de la Caspienne pour justifier de leur investissement dans le projet BTC. Baptisé par la presse de «tracé politique», le pipeline pourrait en effet ne pas être rentable, ni même être une source de grands revenus pour les pays traversés. La Géorgie ne recevra que 50 millions de dollars par an pour le passage du tube sur son territoire. La relativité de l’intérêt économique justifierait de la dimension toute stratégique du projet.
Les investisseurs du BTC s’intéressent maintenant aux réserves de l’Asie Centrale et espèrent faire transiter par l’oléoduc le pétrole kazakh. «Il y a eu plusieurs confirmations de la part des autorités kazakhs et même du président Nazarbayev de faire transiter leur pétrole par le BTC», assure l’Ambassadeur Mann. L’oléoduc ajouterait alors à sa mission diplomatique et gagnerait en ferveur économique.
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(Carte : GéoAtlas/N.Guillemot/RFI) |
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