La Bolivie et le Venezuela contestent les pétroliers étrangers
Les ressources énergétiques et la présence des compagnies étrangères sont au coeur d'un sursaut nationaliste en Bolivie et au Venezuela. Le débat national que le président bolivien, Carlos Mesa, souhaitait organiser, lundi 16 mai, a échoué. Les parlementaires et le pouvoir judiciaire ont refusé la convocation, prétextant que le débat sur la loi sur les hydrocarbures n'avait pas à s'élargir aux représentants de la société civile invités par le président Mesa. Cette nouvelle loi, qui alourdit l'imposition sur les sociétés pétrolières, attend d'être validée par le chef de l'Etat."Carlos Mesa est en train de diviser le peuple bolivien ; il défend les multinationales et ne veut pas signer la loi sur les hydrocarbures", estime Evo Morales, le leader du Mouvement pour le socialisme (MAS, gauche) dont les militants convergent vers La Paz. D'autres mouvements la Centrale ouvrière régionale et la Fédération des voisins d'El Alto, épicentre de la "guerre du gaz" de 2003 sont également mobilisés. Leurs revendications sur les hydrocarbures diffèrent toutefois, puisque le MAS demande un impôt de 50 %, tandis qu'El Alto exige une nationalisation. Lundi, la police a évacué le siège du Congrès, sans empêcher quelques incidents dans le centre-ville.
Une charge de dynamite avait visé le siège de Petrobras, à Santa Cruz (est de la Bolivie), vendredi. L'entreprise brésilienne est l'une des compagnies dont les contrats seraient révisés sous la nouvelle loi, comme la française Total, l'espagnole Repsol et la britannique British Petroleum.
Au Venezuela aussi, la pression monte. Le président Hugo Chavez, par ailleurs mentor du Bolivien Evo Morales, a lancé, dimanche, un avertissement aux compagnies pétrolières étrangères. Ces "entreprises doivent nous payer ce qu'elles nous doivent" , a-t-il dit lors de son programme hebdomadaire "Allô président ?" . Outre Repsol, Petrobras, Total et British Petroleum, sont également dans le collimateur l'américaine Chevron et l'anglo-néerlandaise Shell. Le fisc vénézuélien leur réclame 2 milliards de dollars d'arriérés (1,55 milliard d'euros). Le gouvernement conteste les contrats signés avant l'élection de M. Chavez, en 1998.
Le président vénézuélien a démenti la chute de la production de 800 000 barils par jour, pointée par le quotidien El Nacional, sur la foi d'un rapport parlementaire. M. Chavez avait admis récemment que la production n'atteint pas les 3,4 millions de barils par jour du quota OPEP (Organisation des pays exportateurs de pétrole). Il l'avait attribué à des "sabotages" , voire à une "grève silencieuse" , tandis que des syndicalistes invoquent la purge de 18 000 salariés de l'entreprise publique PDVSA (sur les 40 000 effectifs), après la grève de décembre 2003. En février 2005, la division occidentale de PDVSA faisait encore face à 7 448 procès pour licenciement abusif, selon un rapport parlementaire cité par El Universal. L'entreprise aurait eu gain de cause dans 6,6 % des cas.
Ces tensions interviennent au moment où le Venezuela, le Brésil et l'Argentine ont signé, le 9 mai, à Brasilia, un accord de coopération énergétique. La ministre brésilienne de l'énergie, Dilma Roussef, l'a qualifié de "forum politique ministériel" , visant à "étudier des projets d'intérêt commun" . "Il s'agit en réalité de créer une instance de coordination politique entre les trois pays dans le domaine énergétique, pour chercher des investissements pour l'exploitation de nouveaux gisements de gaz et de pétrole" , a renchéri un représentant argentin. "Chavez appelle cela "Petrosur"."
L'ambition affichée par le président vénézuélien est tout autre, puisqu'il prône la fusion des entreprises publiques de pétrole sud-américaines, en dépit de leur situation très différente. Tandis que la nouvelle firme argentine Enersa reste une coquille vide et que la vénézuélienne PDVSA connaît des difficultés, Petrobras (Brésil) est la première entreprise latino-américaine, et opère dans huit pays.
Une nouvelle vient contrarier le regain de nationalisme à l'égard des multinationales. A Paris, le Centre international de règlement des différends liés à l'investissement a accordé, jeudi 12 mai, un dédommagement de 133 millions de dollars à la compagnie américaine CMS Energy, en butte à une renégociation de son contrat de concession en Argentine.
Paulo A. Paranagua
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