Pluie d'hydrocarbures sur la Côte Bleue : Total mis à l'amende
Pour la première fois, le groupe pétrolier Total, à travers sa filiale raffinage Total France, a été condamné par un tribunal français pour la fuite en 2005 d'un nuage d'hydrocarbures de sa raffinerie de La Mède (Bouches-du-Rhône), retombé en pluie noire sur la commune de Sausset-les-Pins.Le tribunal de police de Martigues a infligé à la multinationale diverses amendes pour un total de 10.250 euros, pour exploitation non conforme d'une installation classée de type Seveso, blessures involontaires n'ayant pas entraîné d'incapacité de travail inférieure à trois mois et défaut de déclaration dans les meilleurs délais de l'incident.
Le 7 août 2005, dix à vingt tonnes d'hydrocarbures s'étaient échappées de la raffinerie de La Mède, au bord de l'étang de Berre, lors du redémarrage de l'installation, en raison d'une surcharge d'eau dans une colonne de distillation de brut. Plusieurs témoins ont souligné que l'incident aurait pu se transformer en catastrophe si le mistral n'avait poussé le nuage d'hydrocarbures loin de la raffinerie où flambent deux torches.
La Direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement s'était montrée sévère, reprochant au groupe de "ne pas avoir mis en place un système pour rattraper le coup avant que ça dérape".
Mais Total s'est toujours défendu de la moindre défaillance, mettant l'accident sur le compte de la négligence de quatre salariés, sanctionnés par la suite. Des salariés qui, s'ils n'ont pas été appelés témoigner lors du procès en avril, n'ont pas été épargnés dans les attendus du jugement, à la satisfaction de l'avocat du groupe pétrolier, Me Aurélien Boulanger, qui avait plaidé la relaxe.
Le groupe n'a pas encore annoncé s'il comptait faire appel du jugement.
Selon Me Boulanger, le jugement qui exclut tout défaut d'équipement, "montre que la sécurité de la raffinerie n'est pas en cause. Seuls deux points sont pris en considération: l'aspect spectaculaire de la nuisance qui n'entraîne pas de risque et la question de la régularité administrative dans la déclaration d'incident".
L'un des avocat des parties civiles, Me Jean-Pierre Darmon, s'est déclaré satisfait que Total ait été reconnu coupable tout en jugeant qu'"il s'en était bien sorti". "On met la responsabilité sur le compte des salariés et on omet des aspects techniques comme le fait que les indicateurs de pression étaient défaillants".
"L'important reste la prise de conscience qu'il y a des problèmes à La Mède qui enregistre une multitude de petits incidents dont on ne parle pas. La justice est passée mais il y aura d'autres pépins", a-t-il pronostiqué.
En 1992, dans la même raffinerie, une explosion avait tué six personnes et sept cadres de Total avaient été condamnés en 2002 à de la prison avec sursis.
L'avocate de Sausset-les-Pins, Me Elisabeth Audouard, a jugé "essentiel que Total soit condamné même pour des contraventions". Selon elle, cette condamnation pour négligence est aussi par ricochet "une reconnaissance de la pollution créée".
A la vingtaine de parties civiles, Total doit immédiatement payer une provision d'une trentaine de milliers d'euros de dommages et intérêts, dans l'attente d'expertises sur les éventuelles séquelles physiques.
Total a déjà sorti son portefeuille dans les 48 heures ayant suivi la pluie noire, déboursant 1,7 million d'euros pour indemniser habitants et entreprises ou financer des expertises sur la faune et la flore.
© 2007 AFP
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