Secteur de l'énergie en 2005 - Hydrocarbures : fin du régime de partage de production
By Youcef Salami
Le fait marquant en 2005, dans le secteur de l'énergie, c'est l'adoption par le Parlement du projet de loi sur les hydrocarbures.
Le fait marquant en 2005, dans le secteur de l'énergie, c'est l'adoption par le Parlement du projet de loi sur les hydrocarbures. Conséquence, le marché national des hydrocarbures va basculer dans une orientation beaucoup plus libérale qu'elle ne l'est aujourd'hui. L'objectif recherché par les concepteurs de la nouvelle loi est d'augmenter les capacités de production de la Compagnie nationale des hydrocarbures, dans une industrie pétrolière gagnée aujourd'hui par la concurrence. La nouvelle législation sur les hydrocarbures marque le quatrième temps fort dans l'histoire de la Sonatrach, après la nationalisation, la loi sur les hydrocarbures de 1986 et celle de 1991. Si l'on remonte dans le temps, la nationalisation a permis à la Compagnie nationale des hydrocarbures d'atteindre en très peu de temps une intégration verticale et horizontale d'activités très diverses, allant de l'exploration à la distribution finale.
Cependant une question se pose : la nouvelle loi ne risque-t-elle pas d'entamer, par certains aspects, les objectifs assignés à la nationalisation ? Des observateurs soulignent que la loi sur les hydrocarbures préserve le droit inaliénable sur le sol (art. 23, 24) et consacre un fonds pour alimenter les budgets des wilayas et communes, indispensable à leur développement (art. 11). Elle accorde, par ailleurs, «plus de mesures incitatives et compétitives» à l'accès aux investisseurs. Et, le groupe Sonatrach dans tout cela ? En plus de l'avantage qui lui est accordé sur chaque contrat de recherche et d'exploitation, il bénéficie explicitement d'une clause (art. 44) de participation à l'exploitation de gisement découvert. La Compagnie nationale des hydrocarbures a droit, dans le cadre de la loi dont il s'agit, à une proportion de prises de participation dans les permis d'exploitation attribués aux compagnies pétrolières étrangères.
Deux organes, et de larges prérogatives
Controversée qu'elle était, cette loi a été discutée et adoptée en Conseil des ministres en février 2005, après accord avec l'UGTA. Deux organes, Alnaft et
l'Autorité de régulation, prévus par la nouvelle loi ont été installés en novembre dernier. Leur gestion a été confiée à des cadres issus du secteur de l'énergie. Alnaft et l'Autorité de régulation remplissent une mission de taille, celle de faire passer la nouvelle législation du texte aux faits.
Alnaft va s'occuper du développement et de la valorisation du domaine minier, en collectant des bases de données sur les blocs à mettre en prospection par avis d'appel d'offres international. Cette fonction, c'était Sonatrach qui l'assurait.
Alnaft va se charger également des calculs et de la collecte de la fiscalité que dégagent des firmes pétrolières implantées dans le secteur des hydrocarbures en Algérie. L'Autorité de régulation s'attachera à développer la réglementation régissant l'amont et l'aval pétroliers, à s'interposer en cas de litiges entre les intervenants et veiller à l'application et au respect de la nouvelle législation pétrolière. Aussitôt l'installation de ces deux structures effectuée, le groupe Sonatrach a déjà commencé à transférer vers l'Alnaft des bases de données techniques sur le domaine minier national qu'elle détient. «Il faudra deux ou trois ans pour que les agences, notamment l'Alnaft, prennent totalement la mesure de leurs prérogatives» a déclaré un des responsables du groupe Sonatrach lors de la cérémonie d'installation de ces deux organes. 2005 fera passer Sonatrach d'une position de monopole sur le domaine minier à une position de pétrolier et gazier concurrent sur son propre terrain.
Un tournant spectaculaire. La nouvelle réforme des hydrocarbures va la mettre ainsi sur la même ligne de départ que toutes les autres compagnies étrangères concurrentes, pour décrocher une concession sur les blocs pour lesquels elle aura choisi de soumissionner. 2005 marque ainsi la fin du régime du partage de production en vigueur avant l'adoption par l'Assemblée populaire de la nouvelle loi. Selon le nouveau cadre de loi en question, la compagnie étrangère a le droit de détenir, sur une période de trente-deux ans, un titre de propriété sur le gisement découvert. Sonatrach, elle, a la possibilité, mais sous condition, de s'associer à la production à hauteur de vingt-cinq pour cent. A commencer par le ministre de l'Energie et des Mines, les partisans de la nouvelle législation, estiment que les concessions faites aux firmes étrangères dans la nouvelle loi, le sont par souci, pour l'Algérie, d'attirer plus d'investissements pétroliers internationaux dans un contexte où le flux de capitaux est difficile à capter. Sauf que cette difficulté à séduire l'investisseur étranger concerne tous les secteurs d'activité de l'économie nationale.
Des contrats pétroliers et gaziers en série
Premier groupe, à tout point de vue, à l'échelle nationale, Sonatrach a permis à l'Etat, en 2005, d'engranger des rentrées en devises importantes jamais égalées dans l'histoire de l'Algérie indépendante. Et ce, grâce à la bonne tenue des cours du pétrole. En 2005, le groupe a signé des contrats en série pour la prise en charge des dettes que contractent ses filiales ramifiées dans différents domaines. Elle a aussi conclu des accords en matière de financement de ses projets d'investissement. Elle a également signé une somme de contrats dans le domaine pétrolier mais aussi gazier.
Deux contrats, pour ne citer que ceux-là l'ont été fraîchement avec l'espagnol Iberdrola. Ils sont liés directement au grand projet gaz jamais réalisé, le Medgaz, en l'occurrence. Le premier concerne le développement de projets en partenariat en matière d'hydrocarbures et de génération d'électricité aussi bien en Algérie qu'en Espagne. Le second accord se rapporte à l'accroissement des quantités annuelles du contrat de vente et d'achat de gaz, à travers Medgaz, signé en 2004. Le volume de gaz acheminé vers l'Espagne, en vertu de cet accord passe ainsi d'un milliard de mètres cubes à 1,6 milliard de mètres cubes. Ces deux accords ajoutés à d'autres conclus avec d'autres firmes étrangères s'inscrivent dans le cadre de l'objectif de Sonatrach d'exporter quatre-vingt-cinq milliards de mètres cubes par an à l'horizon 2010. Une perspective possible à concrétiser, souligne la direction de la Compagnie nationale des hydrocarbures. L'accord avec la société espagnole fait du groupe Sonatrach le premier fournisseur en gaz d'Iberdrola.
Il consolide également l'intérêt des deux sociétés autour du projet de Medgaz. Medgaz, un grand chantier, devant, faut-il le rappeler, relier l'Algérie et l'Espagne, se met en place de manière graduelle. Les travaux de construction commencés déjà devraient être achevés fin 2008, selon les déclarations de Mohamed Meziane, PDG de Sonatrach, lors de la cérémonie de signature de ces deux accords. Medgaz, ce sont plus de 1,3 milliard de dollars d'investissement. C'est aussi un projet en association entre les compagnies espagnoles CEPSA et ENDESA, Sonatrach, l'italienne ENI, la britannique BP, les françaises Total, et Gaz de France. CEPSA autant que le groupe Sonatrach y participent à hauteur de vingt pour cent. Les autres associés détiennent douze pour cent chacun. Medgaz, étalé sur une longueur sous-marine de deux cents kilomètres, partira de la côte au nord d'Oran pour rejoindre Almeria, dans le sud-est de l'Espagne. Il sera étendu par la suite vers la France.
Il est considéré parmi les plus importants projets gaziers en cours de concrétisation, aux côtés du gazoduc reliant l'Algérie et l'Italie, un autre projet qui a progressé en 2005. Finalisé, Medgaz permettra une présence plus accrue au groupe Sonatrach sur le marché gazier ibérique, réputé fermé, par comparaison aux autres marchés européens tournés aujourd'hui vers plus de libéralisation. La société nationale des hydrocarbures dispose déjà de points de chute dans le marché espagnol. Elle projette de prendre des participations dans des sociétés locales, notamment dans les segments de co-génération. Cette implantation, le groupe Sonatrach ambitionne de l'élargir et de la diversifier. C'est dans cette perspective qu'il a créé d'ailleurs avec la Sonelgaz une société mixte, l'AEC, en l'occurrence, capable de se faire une place sur le marché européen de l'énergie.
L'AEC a signé, elle aussi, un ensemble de contrats en 2005, dans le secteur du dessalement de l'eau de mer. Reste que le marché européen de l'énergie, cible de prédilection de cette société mixte, est gagné aujourd'hui par une forte concurrence, après l'introduction de nouvelles règles de libéralisation. Une métamorphose du marché qui n'influe cependant pas sur les deux accords signés avec Iberdrola. On sait que, dans le marché communautaire, la consommation gazière diffère d'un pays à l'autre. Elle augmente d'environ quatorze pour cent en Espagne, par exemple. A moyen terme, un certain nombre de projets, notamment pour des terminaux GNL (gaz naturel liquéfié) sont en cours ou envisagés. Bruxelles déplore toutefois les faiblesses de la construction d'un marché européen concurrentiel dans ce secteur. La création du marché intérieur du gaz, estime-t-il, exige une intégration plus forte ainsi qu'une intensification des efforts en vue de diversifier l'approvisionnement. La Commission européenne note que «même s'il existe plusieurs fournisseurs, leur concurrence mutuelle risque de se révéler inefficace s'ils achètent tout leur gaz au même grossiste».
Le géant du gaz russe ouvre plus largement son capital aux étrangers
Le géant du gaz russe ouvre plus largement son capital aux étrangers
LE MONDE | 27.12.05
ttendue depuis des années par les investisseurs étrangers, la levée des dispositions restreignant l'achat d'actions de Gazprom par des non-résidents — limité à 20 % du capital depuis 1997 — n'est plus qu'une question de jours. Vendredi 23 décembre, le président russe, Vladimir Poutine, a en effet signé la loi en faveur de la libéralisation de 49 % des actions du monopole gazier, premier producteur et exportateur mondial, qui fera du groupe l'une des plus grosses sociétés des marchés émergents cotées en Bourse.
Mais ce coup de panache libéral du Kremlin ne peut faire oublier que Gazprom, contrôlé par l'Etat à 51 %, est une société opaque, largement inefficace, gérée à la soviétique. "Gazprom est restée la même société que dans les années 1980. Les intérêts particuliers y sont plus importants que les intérêts du groupe et que ceux du pays", explique ainsi Vladimir Milov, 33 ans, un ancien vice-ministre de l'énergie, qui dirige aujourd'hui un groupe de réflexion moscovite.
Assis sur 20 % des réserves mondiales de gaz, le mastodonte a certes de beaux jours devant lui à en croire les bénéfices réalisés en 2005 (11 milliards de dollars). Pourtant, il est essoufflé. En 2004, ses coûts de fonctionnement ont augmenté de 30 %, davantage que ses bénéfices (24,2 %). La production ne dépasse pas celle de 1999.
Les trois quarts du gaz produit aujourd'hui proviennent de trois gisements exploités depuis des lustres, dont celui d'Ourengoï (Sibérie), où la production est en déclin de 10 %. La mise en service de nouveaux gisements, exigeante en investissements et en infrastructures, n'est qu'un projet.
A peine arrivé au pouvoir, suivant l'adage russe qui veut que "celui qui contrôle Gazprom contrôle la Russie", Vladimir Poutine a placé deux de ses proches à la tête du groupe. Le Pétersbourgeois Alexeï Miller est ainsi devenu directeur exécutif du groupe tandis que Dmitri Medvedev, ancien chef de l'administration présidentielle promu tout récemment vice-premier ministre, est à la tête du conseil d'administration.
Le fonctionnement de Gazprom est révélateur du climat économique de la Russie, où le monde des affaires et celui de la politique sont inextricablement liés suivant les règles du "modèle corporatiste", comme le décrit Andreï Illarionov, le conseiller économique du Kremlin.
INSTRUMENT DE PUISSANCE
Sûr de lui, l'empire gazier ne maîtrise plus ses appétits. 30 % de la production pétrolière lui reviennent depuis qu'il a racheté à l'oligarque Roman Abramovitch la cinquième major russe, Sibneft.
Gazprom a payé la facture rubis sur l'ongle grâce à un prêt accordé par des banques occidentales à la société offshore Millhouse capital. Au terme de la plus grosse transaction financière de toute la transition économique russe, Roman Abramovitch a empoché de Gazprom — et du contribuable — 13,5 milliards de dollars — soit l'équivalent du volet social du budget de l'Etat — pour une ancienne société publique qu'il avait acquise il y a dix ans à un prix cent fois moindre.
En novembre, Gazprom a poussé plus avant ses tentacules, acquérant, par l'intermédiaire de Gazprombank, 42 % d'OMZ, la plus grosse firme de constructions mécaniques. Un peu auparavant, le groupe avait acquis auprès du même propriétaire qu'OMZ — Kakha Bendukidze, ministre d'Etat chargé de l'économie dans le gouvernement géorgien de Mikhaïl Saakachvili — la société Atomstroïexport, une structure-clé de l'industrie nucléaire russe qui gère la construction de centrales à l'étranger, notamment à Busher, en Iran, et Kudankulam, en Inde. Enfin, Gazprom est présent dans le secteur des médias (chaîne NTV, radio Ekho de Moscou, journaux), du tourisme, de l'agriculture et de la pêche...
C'est grâce à ce colosse que le Kremlin espère restaurer la puissance russe. Gazprom fournit à l'heure actuelle 30 % du gaz consommé en Europe et la totalité de celui consommé par les républiques ex-soviétiques de son pourtour.
En juillet, la Russie — qui vise le marché américain, auquel elle fournit désormais du gaz liquéfié — présidera le sommet du G8 (les sept pays les plus industrialisés plus la Russie). Il sera consacré en grande partie à la sécurité énergétique.
Enfin, Gazprom reste le principal instrument de l'hégémonie russe dans l'espace post-soviétique comme l'illustre le conflit en cours avec les autorités ukrainiennes, mises en difficulté par Gazprom à la veille des élections législatives de mars, cruciales pour Kiev.
Marie Jégo
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UN MONOPOLE
PRINCIPAL CONTRIBUTEUR AU BUDGET.
Premier producteur et exportateur mondial, Gazprom fournit 20 % des recettes budgétaires russes et contribue à hauteur de 8 % au PIB. Issue de l'ancien ministère du gaz soviétique, la société emploie 300 000 personnes.
PREMIER EXPORTATEUR DE GAZ.
Gazprom gère le plus grand réseau de gazoducs au monde, soit 153 800 km de tubes. En septembre, il a annoncé la construction, d'ici à 2010, d'un gazoduc de 1 200 km sous la mer Baltique. Il contournera la Pologne et l'Ukraine, par laquelle transite actuellement 80 % du gaz russe destiné à l'Europe.
Bolivie : Le secteur gazier bolivien remis en cause
Par Elisabeth Studer
Le futur président bolivien Evo Morales a annoncé lundi que son gouvernement n'allait ni exproprier ni confisquer les concessions pétrolières aux mains de 26 compagnies étrangères opérant en Bolivie dont Total fait partie, ainsi que Petrobras (Brésil), Repsol (Espagne), British Gaz (Royaume-Uni), ExxonMobil (Etats-Unis), PLuspetrol (Argentine).
Faisant l'objet d'une diplomatie pétrolière et gazière accrue, compte-tenu des prix élevés du gaz, la Bolivie détient la seconde réserve de gaz d'Amérique du sud (1.375 milliards de mètres cubes) après le Vénézuela. En mai 2005, le pays avait promulgué une nouvelle loi sur les hydrocarbures dont le but était de revoir à la hausse les taxes et les royalties que les multinationales payent à l’Etat bolivien, fixées désormais à 50% des revenus nets.
I – La position du futur gouvernement Le leader socialiste Evo Morales a remporté le premier tour de l'élection présidentielle dimanche avec plus 51% des voies. Les résultats officiels seront connus dans les prochains jours. Dirigeant indigène du Mouvement vers le socialisme (MAS) et chef des planteurs de coca, il devrait devenir le premier président indien d'Amérique du Sud.
« Le gouvernement du MAS va exercer le droit de propriété comme n'importe quel état a l'obligation d'exercer le droit de propriété » a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Il s'agirait de reprendre la possession de la terre où se trouve les gisements sans modification en profondeur du système actuel. Les spécialistes en hydrocarbures du futur gouvernement souhaitent en effet trouver un "terrain d'entente" avec les pétroliers tout en renforçant le contrôle des compagnies et obtenir une révision des contrats à la hausse.
Le candidat Evo Morales avait néanmoins averti que s'il était élu, il nationaliserait les ressources énergétiques de Bolivie, pour que la terre où se trouve les gisements revienne à l'état bolivien. Sa position n'est donc pas des plus claires.
Les spécialistes à La Paz estiment que les mesures annoncées par le candidat Morales pourraient prendre en réalité la forme d'un contrôle accru de l'Etat sur les 26 compagnies pétrolières étrangères opèrant en Bolivie. Les compagnies, dont Total (France), Petrobras (Brésil), Repsol (Espagne), Exxon Mobil (USA), British Gaz (GB), deviendraient ainsi des prestataires de services.
II – Réaction immédiate de REPSOLLe président du premier groupe pétrolier espagnol, Repsol YPF, Antoni Brufau, "a félicité" Evo Morales pour sa victoire aux élections en Bolivie, pays dans lequel Repsol est fortement implanté, et où il "poursuivra ses activités".
Repsol-YPF mène en Bolivie le puissant consortium Andina, via lequel il contrôle 25,7% des réserves gazières du pays. En 2004, la Bolivie a représenté 1,4% du résultat opérationnel du groupe, septième producteur mondial d'hydrocarbures.
Le titre Repsol n'a cessé de baisser à la Bourse de Madrid depuis l'ouverture de la séance et reculait de 2,31% à 24,56 euros à la clôture.
Selon des analystes espagnols , il semble prématuré d'anticiper car les ressources pétrolières de la Bolivie ne peuvent être développées sans les investissements des compagnies étrangères. Une éventuelle nationalisation pourrait en fait se convertir en contrats de services attribués par l'Etat bolivien aux compagnies pétrolières.
III - Nouvelle loi sur les hydrocarbures et climat politique BolivienLe parlement bolivien a promulgué le 17 mai 2005, une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui a pour but de revoir à la hausse les taxes et les royalties que les multinationales payent à l’Etat bolivien qui seront désormais de 50% sur les revenus nets.
Le chef de l’Etat d'alors, Carlos Mesa, avait décidé, sous la pression de nombreuses manifestations populaires, de ne pas émettre son veto pour apporter les modifications souhaitées par les multinationales.
L’exploitation et la commercialisation du gaz sont au coeur de la profonde crise sociale qui secoue la Bolivie où le président constitutionnel, Gonzalo Sanchez de Losada, devait renoncer au pouvoir le 17 octobre 2003. Ce jour-là, la répression policière provoquait la mort de près d’une centaine de personnes au cours de manifestations qui avaient paralysé des points névralgiques du pays.
Sanchez de Losada s’étant exilé, le congrès installait à la tête du pouvoir son vice-président Carlos Mesa qui organisa en juillet 2004 un référendum au cours duquel la majorité se prononça en faveur de « la récupération du gaz par l’Etat » et pour une augmentation conséquente des droits d’exploitation.
Des nouvelles vagues de protestation ont commencé en janvier dernier et se sont amplifiées pour réclamer, par-delà l’augmentation des droits d’exploitation du gaz, la nationalisation pure et simple de cette ressource.
IV - Position de PETROBRAS sur la nouvelle loiPetrobras estime que la nouvelle loi sur les hydrocarbures pourrait affecter ses futurs investissements mais sans mettre en cause ses opérations en Bolivie. Un projet de complexe pétrochimique, prévu à la frontière Bolivie - Brésil risquerait pourtant d’être remis en question. Depuis 1997 un montant de 3,5 milliards de dollars a été investi par les multinationales.
Pays frontaliers, l’Argentine et le Brésil sont les principaux destinataires du gaz bolivien. Malgré le degré d’instabilité, ils comptent poursuivre leur coopération économique et commerciale avec le pays andin avec qui ils forment le « Mercosur ».
Bien plus que les avatars commerciaux, c’est le risque d’ingouvernabilité de la Bolivie qui préoccupe la région.
Total a voulu acheter le silence sur ses agissements en Birmanie
DROITS DE L'HOMME - Total a voulu acheter le silence sur ses agissements en Birmanie
L'argent ne fait pas le bonheur, paraît-il. Et le groupe pétrolier français Total vient de découvrir que l'argent ne permet même pas d'acheter le silence ! En tout cas pas celui d'Aung Maw Zin et de ses avocats, note Le Soir. Cet opposant à Rangoon a introduit en 2002 à Bruxelles "une plainte devant la cour d'assises contre la société et ses responsables pour complicité de crimes contre l'humanité. L'argument développé est que Total apporte un soutien moral, financier et logistique" à la junte birmane. Laquelle est "un régime peu fréquentable", précise le quotidien belge.
Un euphémisme, pour qualifier l'une des pires dictatures de la planète, avec laquelle Total a longtemps et beaucoup collaboré alors que toutes les associations de défense des droits de l'homme de la planète appellent à boycotter ce régime. Certaines de ces associations considèrent d'ailleurs que Total a non seulement soutenu la junte mais que par certaines de ses demandes ou certains de ses agissements, le groupe pétrolier a même encouragé des exactions. Ce que conteste, bien sûr, la multinationale.
Depuis le dépôt de la plainte d'Aung Maw Zin, Total fait des pieds et des mains pour empêcher que la procédure aboutisse. Avec des hauts et des bas. Le 13 avril 2005 marquait un bas pour la compagnie pétrolière française : ce jour-là, la cour d'arbitrage belge s'opposait à l'arrêt des poursuites envisagé par le ministère public.
Craignant que le scandale aille plus avant, l'entreprise entre alors en contact avec les avocats du plaignant en vue d'un règlement à l'amiable, raconte le quotidien, leur proposant le "retrait de leur plainte contre une grosse somme d'argent". Les négociateurs du groupe pétrolier exigent dans le même temps une complète confidentialité sur l'opération. D'ailleurs, Total a affirmé au journaliste du Soir "ne pas avoir connaissance d'une telle proposition".
Quelques mois plus tôt, relève encore Le Soir, "la société américaine Unocal, partenaire de Total en Birmanie, également empêtrée dans un marathon judiciaire (aux Etats-Unis), avait versé 30 millions de dollars (environ 25 millions d'euros) à des plaignants pour qu'ils retirent leurs plaintes". Mais Total a eu moins de chance qu'Unocal : Aung Maw Zin refuse l'offre d'argent, voulant continuer la procédure jusqu'au bout, "pour ceux qui sont restés en Birmanie".
Depuis, le pétrolier français a obtenu la fin des poursuites, "sans que la justice se penche sur le fond du dossier", remarque Le Soir. La Cour de cassation a en effet décidé que, techniquement, la plainte ne pouvait être reçue, du fait de modifications apportées à la loi de compétence universelle qui lui servait de support. "Seule une nouvelle loi pourrait contraindre à rouvrir le dossier", reconnaît Le Soir. Avant de conclure que "plusieurs parlementaires se sont engagés à voter ce nouveau texte. Aung Maw Zin attend."
Courrier international - 2 déc. 2005
L'Afrique a un énorme potentiel, affirme un responsable de la SFI
United States Department of State (Washington, DC)
2 Décembre 2005
Publié sur le web le 2 Décembre 2005
By Charles W. Corey
Washington, DC
M. Assad Jabre évoque les débouchés des secteurs pétrolier et gazier d'Afrique.
- De l'avis d'un responsable de la Société financière internationale (SFI), une filiale de la Banque mondiale, les prochaines années seront très importantes pour l'Afrique lorsqu'il s'agit de la croissance économique et du développement du continent et elles pourraient signaler l'avènement d'un avenir nettement meilleur.
Dans le discours qu'il a prononcé le 30 novembre devant les participants au Forum 2005 sur le pétrole et le gaz africains, que parrainent du 29 novembre au 1er décembre à Washington le « Corporate Council on Africa » (Conseil des entreprises sur l'Afrique, CCA) et le ministère américain de l'énergie, le vice-président par intérim de la SFI, M. Assad Jabre, a déclaré à propos de l'Afrique : « Nous présageons d'importants débouchés et une excellente possibilité de progrès. Si vous additionnez les gains actuels à ceux qui ne manqueront pas d'être réalisés aux plans de la démocratie, de la transparence, de l'investissement du secteur privé, de l'atténuation de la dette, et, avec un peu de chance, dans le domaine du commerce entre autres, vous ne pouvez vous empêcher de conclure que l'Afrique a aujourd'hui un potentiel qui faisait défaut depuis longtemps. »
Et d'ajouter : « Nous pensons que l'investissement du secteur privé, en particulier dans les secteurs du gaz et du pétrole, peut être un élément capital afin de réaliser ce potentiel. »
Il a rappelé à son auditoire que l'Afrique était l'une des grandes priorités pour la Banque mondiale et en particulier pour la SFI.
Jouissant d'une renommée mondiale en matière d'expertise dans le domaine de la finance internationale, M. Jabre a déclaré qu'il avait un penchant pour l'Afrique. « Trop souvent, pour bien des questions, j'ai entendu les spécialistes de l'Afrique dire qu'il faudrait 15 ou 25 ans avent de réaliser certains objectifs sur ce continent, ou pour qu'un problème soit résolu, un défi surmonté, et peu de temps après ils se rendaient compte qu'ils avaient eu tort », a-t-il dit.
Le potentiel de l'Afrique ne réside pas seulement dans l'abondance de ses ressources. « Dans nombre de pays africains, il existe aujourd'hui la volonté politique d'instituer des changements. Beaucoup de pays africains sont en train de se doter de la capacité institutionnelle permettant le changement, et beaucoup de pays africains mettent lentement en place l'infrastructure nécessaire à la croissance et au changement », a expliqué M. Jabre, soulignant que la SFI et lui-même étaient optimistes à propos du continent.
Il y a dix ans, a-t-il fait valoir, les spécialistes s'accordaient à dire que la connectivité serait impossible en Afrique, que les besoins étaient trop importants, que les institutions manquaient, que les marchés ne fonctionnaient pas. Mais, aujourd'hui, il y est possible d'avoir un téléphone portable et celui-ci marche très bien. L'industrie du « sans fil » a remporté un énorme succès en Afrique et a réussi à relier des millions d'abonnés en très peu de temps.
Pour ce qui est des questions de transparence et de prise de responsabilités dans les secteurs gazier et pétrolier en Afrique, les spécialistes, s'est souvenu M. Jabre, se lamentaient à propos d'une corruption généralisée qu'il serait à leur avis impossible d'éradiquer. « Il n'empêche qu'aujourd'hui, plus d'une douzaine de pays africains ont avalisé l'Initiative pour la transparence des industries extractives (ITIE) ou l'ont adoptée », a-t-il rappelé.
Cette initiative qui jouit des soutiens du ministère britannique du développement international, de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international, appuie une amélioration de la gouvernance dans les pays riches en ressources par le biais de la publication complète et de la vérification des paiements faits par les sociétés et celle des revenus gouvernementaux provenant du pétrole, du gaz et de l'extraction minière.
De l'avis de M. Jabre, les industries du pétrole et du gaz ont le potentiel d'être le moteur du changement aux quatre coins de l'Afrique. « Le défi, c'est de trouver les moyens de donner l'élan qui devra se maintenir de sa propre vigueur, où les investissements dans les secteurs gazier et pétrolier conduiront à une croissance macroéconomique, laquelle à son tour préparera la voie à une augmentation de l'ensemble des investissements d'infrastructure. »
De « gros progrès » ont été réalisés au cours des dernières années. « Les gouvernements ont pris conscience des questions ayant trait à la gestion des revenus. Nous avons constaté davantage de retenue que par le passé en ce qui concerne les dépenses gouvernementales en temps de prospérité économique », a-t-il dit, ajoutant que le Nigeria avait récemment commencé à rembourser sa dette après avoir enregistré une augmentation de ses revenus du pétrole et du gaz.
Il reste encore beaucoup à faire en Afrique pour améliorer les normes relatives à la transparence et à la responsabilité en ce qui concerne les revenus du pétrole et du gaz. « Il ne suffit pas de publier les flux de revenus bruts au niveau national. Les gouvernements africains, à tous les niveaux - national, régional et local - doivent avoir mis en place les compétences et les sauvegardes institutionnelles leur permettant de dépenser prudemment et efficacement leurs ressources à long terme », a expliqué M. Fabre.
Répondre aux attentes des populations africaines est un autre défi. « Même si un pays est sur la bonne voie et qu'il fait de véritables progrès, si la population a l'impression que les besoins sociaux ou d'infrastructure ne sont pas satisfaits, la situation peut être extrêmement destructrice », a-t-il précisé.
« Un projet durable dans le secteur pétrolier ou gazier, quelle que soit sa taille, n'est pas simplement un projet économique, c'est aussi un projet politique. Il nécessite l'appui de l'ensemble de la collectivité », a fait remarquer M. Jabre aux participants au forum.
Etabli en 1993, le CCA, qui a son siège à Washington, a pour mission de renforcer et de faciliter les liens commerciaux entre les États-Unis et l'Afrique.
Composé de quelque 150 sociétés américaines implantées en Afrique, le CCA travaille en étroite collaboration avec les gouvernements, les organisations multilatérales et les entreprises pour améliorer le climat de l'Afrique en matière de commerce et d'investissements et pour mieux faire prendre conscience des possibilités qu'offre l'Afrique au monde des affaires américain.
Comment les majors du pétrole s'adaptent à la «révolution bolivarienne»
«JE LEUR DONNE un mois. Pas un jour de plus.» Rafael Ramirez, le ministre des Hydrocarbures vénézuélien, a été clair. Le 1er janvier 2006, toutes les entreprises pétrolières qui exploitent des champs pétroliers en tant que prestataires de service de l'Etat vénézuélien devront avoir transformé ce contrat en accord d'association avec l'entreprise pétrolière nationale PDVSA.
Un détail compte : pour connaître les termes exacts du nouveau contrat, il faut d'abord le signer. Les petites entreprises ont cédé, les plus grosses, dont Total, Shell, BP, et Chevron-Texaco, rechignent. Pas facile de faire entendre à leurs «comités de risque» chargés de rendre des comptes auprès des actionnaires, qu'elles signent un chèque en blanc à Chavez.
Pétrole contre «missions»
Avec un baril de pétrole à 60 dollars, le président vénézuélien peut bousculer les règles. Comme la majorité des puissances pétrolières, le Venezuela veut revoir le partage des bénéfices entre Etat et entreprises, décidé à une époque où le pétrole plafonnait à 20 dollars. C'est pour la bonne cause : les fonds collectés sont destinés à financer les «missions», ces programmes de santé, d'alimentation ou d'alphabétisation de la «révolution bolivarienne». Pour ce faire, l'entreprise pétrolière nationale, PDVSA, qui organise ces programmes sociaux avec l'armée, doit reprendre la main sur la politique pétrolière, estime l'Administration Chavez. D'où la nécessité de faire disparaître les contrats de concessions, au profit d'une société mixte pilotée par PDVSA. Au fond, les multinationales ne sont pas contre : elles paieront des royalties plus élevées aux autorités vénézuéliennes mais espèrent en échange élargir leurs exploitations et augmenter leurs bénéfices.
«Etant donné les cours du pétrole, les entreprises pétrolières ont tout à y gagner», note Mark Weisbrot, analyste du Centre de recherche politique et économique, basé à Washington. Cependant, elles n'aiment pas la méthode. Les forcer à accepter un nouveau contrat de société mixte en rompant unilatéralement le précédent est notoirement illégal.
«Nous voudrions être sûrs, avant de signer, que nos intérêts, en tant qu'actionnaires minoritaires, ne seront pas malmenés», explique-t-on au sein d'un grand groupe pétrolier. Surtout, si Hugo Chavez s'est moqué une première fois des engagements souscrits dans le passé, pourquoi ne recommencerait-il pas ? «Les entreprises victimes de l'attitude du gouvernement Chavez peuvent attaquer le Venezuela auprès du tribunal d'arbitrage de la Banque mondiale (Cirdi)», observe Emmanuel Gaillard, du cabinet d'avocats Shearman & Sterling. «Mais elles devront apprécier le risque de mesures de rétorsion plus radicales encore de la part du gouvernement», précise-t-il.
A Caracas, l'éventualité fait sourire. Qu'une entreprise s'avise à poursuivre le Venezuela, elle perdrait ipso facto toute possibilité de conclure de nouveaux contrats dans un eldorado du pétrole et du gaz. Pour tester les sociétés pétrolières, l'administration joue sur plusieurs tableaux. Elle fait donner le fisc, qui redouble de zèle pour découvrir la moindre indélicatesse, ou les services juridiques, chargés de débusquer les irrégularités des contrats. Total en sait quelque chose. Au printemps, l'entreprise française a vu sa principale exploitation, Sincor I, menacée par le ministre des Hydrocarbures, qui dénonçait une violation du contrat. Total a crié au malentendu mais compris le message : si l'amitié affichée entre Jacques Chirac et Hugo Chavez est un atout, elle ne suffit plus. Pour obtenir le développement d'une deuxième tranche d'investissement (Sincor II), Total devra probablement accepter de requalifier une partie de son contrat d'exploitation en vigueur selon les termes de la nouvelle loi pétrolière, augmentant le niveau des royalties.
Bataille économique
«La question n'est plus aujourd'hui la sécurité juridique, comme le répètent les multinationales, insiste un spécialiste des hydrocarbures à Caracas. La vraie bataille est économique : l'Etat exige une part du gâteau de plus en plus importante. Si l'entreprise n'est pas d'accord, dehors.» Henri-Jacques Citroën, un Français qui dirige une société de relations publiques à Caracas, confirme : «La bonne manière de faire des affaires avec l'Etat au Venezuela, c'est d'accepter de céder une partie de ses privilèges et de ses avantages.» Il ne suffit pas, comme l'ont cru naïvement plusieurs entreprises, d'agiter des parrainages politiques ou de bricoler des petits programmes sociaux pour plaire au régime et décrocher des contrats.
«Nous devons démontrer un engagement social bien plus profond, ce que nous avons mis du temps à comprendre», constate le cadre d'une multinationale pétrolière. Chavez, en visite à Paris en octobre, a dû avoir envie de sourire lors de la réunion organisée par le Medef. Les patrons présents, issus du secteur pétrolier, mais aussi de la pharmacie ou de la construction de logements, ont rivalisé de discours altermondialistes. L'assistance médusée a pu les entendre disserter sur leur souci non pas seulement de faire du profit, mais aussi de contribuer aux avancées sociales de la «révolution bolivarienne».