Secteur de l'énergie en 2005 - Hydrocarbures : fin du régime de partage de production
By Youcef SalamiLe fait marquant en 2005, dans le secteur de l'énergie, c'est l'adoption par le Parlement du projet de loi sur les hydrocarbures.
Le fait marquant en 2005, dans le secteur de l'énergie, c'est l'adoption par le Parlement du projet de loi sur les hydrocarbures. Conséquence, le marché national des hydrocarbures va basculer dans une orientation beaucoup plus libérale qu'elle ne l'est aujourd'hui. L'objectif recherché par les concepteurs de la nouvelle loi est d'augmenter les capacités de production de la Compagnie nationale des hydrocarbures, dans une industrie pétrolière gagnée aujourd'hui par la concurrence. La nouvelle législation sur les hydrocarbures marque le quatrième temps fort dans l'histoire de la Sonatrach, après la nationalisation, la loi sur les hydrocarbures de 1986 et celle de 1991. Si l'on remonte dans le temps, la nationalisation a permis à la Compagnie nationale des hydrocarbures d'atteindre en très peu de temps une intégration verticale et horizontale d'activités très diverses, allant de l'exploration à la distribution finale.
Cependant une question se pose : la nouvelle loi ne risque-t-elle pas d'entamer, par certains aspects, les objectifs assignés à la nationalisation ? Des observateurs soulignent que la loi sur les hydrocarbures préserve le droit inaliénable sur le sol (art. 23, 24) et consacre un fonds pour alimenter les budgets des wilayas et communes, indispensable à leur développement (art. 11). Elle accorde, par ailleurs, «plus de mesures incitatives et compétitives» à l'accès aux investisseurs. Et, le groupe Sonatrach dans tout cela ? En plus de l'avantage qui lui est accordé sur chaque contrat de recherche et d'exploitation, il bénéficie explicitement d'une clause (art. 44) de participation à l'exploitation de gisement découvert. La Compagnie nationale des hydrocarbures a droit, dans le cadre de la loi dont il s'agit, à une proportion de prises de participation dans les permis d'exploitation attribués aux compagnies pétrolières étrangères.
Deux organes, et de larges prérogatives
Controversée qu'elle était, cette loi a été discutée et adoptée en Conseil des ministres en février 2005, après accord avec l'UGTA. Deux organes, Alnaft et
l'Autorité de régulation, prévus par la nouvelle loi ont été installés en novembre dernier. Leur gestion a été confiée à des cadres issus du secteur de l'énergie. Alnaft et l'Autorité de régulation remplissent une mission de taille, celle de faire passer la nouvelle législation du texte aux faits.
Alnaft va s'occuper du développement et de la valorisation du domaine minier, en collectant des bases de données sur les blocs à mettre en prospection par avis d'appel d'offres international. Cette fonction, c'était Sonatrach qui l'assurait.
Alnaft va se charger également des calculs et de la collecte de la fiscalité que dégagent des firmes pétrolières implantées dans le secteur des hydrocarbures en Algérie. L'Autorité de régulation s'attachera à développer la réglementation régissant l'amont et l'aval pétroliers, à s'interposer en cas de litiges entre les intervenants et veiller à l'application et au respect de la nouvelle législation pétrolière. Aussitôt l'installation de ces deux structures effectuée, le groupe Sonatrach a déjà commencé à transférer vers l'Alnaft des bases de données techniques sur le domaine minier national qu'elle détient. «Il faudra deux ou trois ans pour que les agences, notamment l'Alnaft, prennent totalement la mesure de leurs prérogatives» a déclaré un des responsables du groupe Sonatrach lors de la cérémonie d'installation de ces deux organes. 2005 fera passer Sonatrach d'une position de monopole sur le domaine minier à une position de pétrolier et gazier concurrent sur son propre terrain.
Un tournant spectaculaire. La nouvelle réforme des hydrocarbures va la mettre ainsi sur la même ligne de départ que toutes les autres compagnies étrangères concurrentes, pour décrocher une concession sur les blocs pour lesquels elle aura choisi de soumissionner. 2005 marque ainsi la fin du régime du partage de production en vigueur avant l'adoption par l'Assemblée populaire de la nouvelle loi. Selon le nouveau cadre de loi en question, la compagnie étrangère a le droit de détenir, sur une période de trente-deux ans, un titre de propriété sur le gisement découvert. Sonatrach, elle, a la possibilité, mais sous condition, de s'associer à la production à hauteur de vingt-cinq pour cent. A commencer par le ministre de l'Energie et des Mines, les partisans de la nouvelle législation, estiment que les concessions faites aux firmes étrangères dans la nouvelle loi, le sont par souci, pour l'Algérie, d'attirer plus d'investissements pétroliers internationaux dans un contexte où le flux de capitaux est difficile à capter. Sauf que cette difficulté à séduire l'investisseur étranger concerne tous les secteurs d'activité de l'économie nationale.
Des contrats pétroliers et gaziers en série
Premier groupe, à tout point de vue, à l'échelle nationale, Sonatrach a permis à l'Etat, en 2005, d'engranger des rentrées en devises importantes jamais égalées dans l'histoire de l'Algérie indépendante. Et ce, grâce à la bonne tenue des cours du pétrole. En 2005, le groupe a signé des contrats en série pour la prise en charge des dettes que contractent ses filiales ramifiées dans différents domaines. Elle a aussi conclu des accords en matière de financement de ses projets d'investissement. Elle a également signé une somme de contrats dans le domaine pétrolier mais aussi gazier.
Deux contrats, pour ne citer que ceux-là l'ont été fraîchement avec l'espagnol Iberdrola. Ils sont liés directement au grand projet gaz jamais réalisé, le Medgaz, en l'occurrence. Le premier concerne le développement de projets en partenariat en matière d'hydrocarbures et de génération d'électricité aussi bien en Algérie qu'en Espagne. Le second accord se rapporte à l'accroissement des quantités annuelles du contrat de vente et d'achat de gaz, à travers Medgaz, signé en 2004. Le volume de gaz acheminé vers l'Espagne, en vertu de cet accord passe ainsi d'un milliard de mètres cubes à 1,6 milliard de mètres cubes. Ces deux accords ajoutés à d'autres conclus avec d'autres firmes étrangères s'inscrivent dans le cadre de l'objectif de Sonatrach d'exporter quatre-vingt-cinq milliards de mètres cubes par an à l'horizon 2010. Une perspective possible à concrétiser, souligne la direction de la Compagnie nationale des hydrocarbures. L'accord avec la société espagnole fait du groupe Sonatrach le premier fournisseur en gaz d'Iberdrola.
Il consolide également l'intérêt des deux sociétés autour du projet de Medgaz. Medgaz, un grand chantier, devant, faut-il le rappeler, relier l'Algérie et l'Espagne, se met en place de manière graduelle. Les travaux de construction commencés déjà devraient être achevés fin 2008, selon les déclarations de Mohamed Meziane, PDG de Sonatrach, lors de la cérémonie de signature de ces deux accords. Medgaz, ce sont plus de 1,3 milliard de dollars d'investissement. C'est aussi un projet en association entre les compagnies espagnoles CEPSA et ENDESA, Sonatrach, l'italienne ENI, la britannique BP, les françaises Total, et Gaz de France. CEPSA autant que le groupe Sonatrach y participent à hauteur de vingt pour cent. Les autres associés détiennent douze pour cent chacun. Medgaz, étalé sur une longueur sous-marine de deux cents kilomètres, partira de la côte au nord d'Oran pour rejoindre Almeria, dans le sud-est de l'Espagne. Il sera étendu par la suite vers la France.
Il est considéré parmi les plus importants projets gaziers en cours de concrétisation, aux côtés du gazoduc reliant l'Algérie et l'Italie, un autre projet qui a progressé en 2005. Finalisé, Medgaz permettra une présence plus accrue au groupe Sonatrach sur le marché gazier ibérique, réputé fermé, par comparaison aux autres marchés européens tournés aujourd'hui vers plus de libéralisation. La société nationale des hydrocarbures dispose déjà de points de chute dans le marché espagnol. Elle projette de prendre des participations dans des sociétés locales, notamment dans les segments de co-génération. Cette implantation, le groupe Sonatrach ambitionne de l'élargir et de la diversifier. C'est dans cette perspective qu'il a créé d'ailleurs avec la Sonelgaz une société mixte, l'AEC, en l'occurrence, capable de se faire une place sur le marché européen de l'énergie.
L'AEC a signé, elle aussi, un ensemble de contrats en 2005, dans le secteur du dessalement de l'eau de mer. Reste que le marché européen de l'énergie, cible de prédilection de cette société mixte, est gagné aujourd'hui par une forte concurrence, après l'introduction de nouvelles règles de libéralisation. Une métamorphose du marché qui n'influe cependant pas sur les deux accords signés avec Iberdrola. On sait que, dans le marché communautaire, la consommation gazière diffère d'un pays à l'autre. Elle augmente d'environ quatorze pour cent en Espagne, par exemple. A moyen terme, un certain nombre de projets, notamment pour des terminaux GNL (gaz naturel liquéfié) sont en cours ou envisagés. Bruxelles déplore toutefois les faiblesses de la construction d'un marché européen concurrentiel dans ce secteur. La création du marché intérieur du gaz, estime-t-il, exige une intégration plus forte ainsi qu'une intensification des efforts en vue de diversifier l'approvisionnement. La Commission européenne note que «même s'il existe plusieurs fournisseurs, leur concurrence mutuelle risque de se révéler inefficace s'ils achètent tout leur gaz au même grossiste».
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