mardi, décembre 27, 2005

Le géant du gaz russe ouvre plus largement son capital aux étrangers

Le géant du gaz russe ouvre plus largement son capital aux étrangers
LE MONDE | 27.12.05

ttendue depuis des années par les investisseurs étrangers, la levée des dispositions restreignant l'achat d'actions de Gazprom par des non-résidents — limité à 20 % du capital depuis 1997 — n'est plus qu'une question de jours. Vendredi 23 décembre, le président russe, Vladimir Poutine, a en effet signé la loi en faveur de la libéralisation de 49 % des actions du monopole gazier, premier producteur et exportateur mondial, qui fera du groupe l'une des plus grosses sociétés des marchés émergents cotées en Bourse.


Mais ce coup de panache libéral du Kremlin ne peut faire oublier que Gazprom, contrôlé par l'Etat à 51 %, est une société opaque, largement inefficace, gérée à la soviétique. "Gazprom est restée la même société que dans les années 1980. Les intérêts particuliers y sont plus importants que les intérêts du groupe et que ceux du pays", explique ainsi Vladimir Milov, 33 ans, un ancien vice-ministre de l'énergie, qui dirige aujourd'hui un groupe de réflexion moscovite.

Assis sur 20 % des réserves mondiales de gaz, le mastodonte a certes de beaux jours devant lui à en croire les bénéfices réalisés en 2005 (11 milliards de dollars). Pourtant, il est essoufflé. En 2004, ses coûts de fonctionnement ont augmenté de 30 %, davantage que ses bénéfices (24,2 %). La production ne dépasse pas celle de 1999.

Les trois quarts du gaz produit aujourd'hui proviennent de trois gisements exploités depuis des lustres, dont celui d'Ourengoï (Sibérie), où la production est en déclin de 10 %. La mise en service de nouveaux gisements, exigeante en investissements et en infrastructures, n'est qu'un projet.

A peine arrivé au pouvoir, suivant l'adage russe qui veut que "celui qui contrôle Gazprom contrôle la Russie", Vladimir Poutine a placé deux de ses proches à la tête du groupe. Le Pétersbourgeois Alexeï Miller est ainsi devenu directeur exécutif du groupe tandis que Dmitri Medvedev, ancien chef de l'administration présidentielle promu tout récemment vice-premier ministre, est à la tête du conseil d'administration.

Le fonctionnement de Gazprom est révélateur du climat économique de la Russie, où le monde des affaires et celui de la politique sont inextricablement liés suivant les règles du "modèle corporatiste", comme le décrit Andreï Illarionov, le conseiller économique du Kremlin.


INSTRUMENT DE PUISSANCE


Sûr de lui, l'empire gazier ne maîtrise plus ses appétits. 30 % de la production pétrolière lui reviennent depuis qu'il a racheté à l'oligarque Roman Abramovitch la cinquième major russe, Sibneft.

Gazprom a payé la facture rubis sur l'ongle grâce à un prêt accordé par des banques occidentales à la société offshore Millhouse capital. Au terme de la plus grosse transaction financière de toute la transition économique russe, Roman Abramovitch a empoché de Gazprom — et du contribuable — 13,5 milliards de dollars — soit l'équivalent du volet social du budget de l'Etat — pour une ancienne société publique qu'il avait acquise il y a dix ans à un prix cent fois moindre.

En novembre, Gazprom a poussé plus avant ses tentacules, acquérant, par l'intermédiaire de Gazprombank, 42 % d'OMZ, la plus grosse firme de constructions mécaniques. Un peu auparavant, le groupe avait acquis auprès du même propriétaire qu'OMZ — Kakha Bendukidze, ministre d'Etat chargé de l'économie dans le gouvernement géorgien de Mikhaïl Saakachvili — la société Atomstroïexport, une structure-clé de l'industrie nucléaire russe qui gère la construction de centrales à l'étranger, notamment à Busher, en Iran, et Kudankulam, en Inde. Enfin, Gazprom est présent dans le secteur des médias (chaîne NTV, radio Ekho de Moscou, journaux), du tourisme, de l'agriculture et de la pêche...

C'est grâce à ce colosse que le Kremlin espère restaurer la puissance russe. Gazprom fournit à l'heure actuelle 30 % du gaz consommé en Europe et la totalité de celui consommé par les républiques ex-soviétiques de son pourtour.

En juillet, la Russie — qui vise le marché américain, auquel elle fournit désormais du gaz liquéfié — présidera le sommet du G8 (les sept pays les plus industrialisés plus la Russie). Il sera consacré en grande partie à la sécurité énergétique.

Enfin, Gazprom reste le principal instrument de l'hégémonie russe dans l'espace post-soviétique comme l'illustre le conflit en cours avec les autorités ukrainiennes, mises en difficulté par Gazprom à la veille des élections législatives de mars, cruciales pour Kiev.



Marie Jégo

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UN MONOPOLE


PRINCIPAL CONTRIBUTEUR AU BUDGET.

Premier producteur et exportateur mondial, Gazprom fournit 20 % des recettes budgétaires russes et contribue à hauteur de 8 % au PIB. Issue de l'ancien ministère du gaz soviétique, la société emploie 300 000 personnes.


PREMIER EXPORTATEUR DE GAZ.

Gazprom gère le plus grand réseau de gazoducs au monde, soit 153 800 km de tubes. En septembre, il a annoncé la construction, d'ici à 2010, d'un gazoduc de 1 200 km sous la mer Baltique. Il contournera la Pologne et l'Ukraine, par laquelle transite actuellement 80 % du gaz russe destiné à l'Europe.