Bolivie : Le secteur gazier bolivien remis en cause
Par Elisabeth StuderLe futur président bolivien Evo Morales a annoncé lundi que son gouvernement n'allait ni exproprier ni confisquer les concessions pétrolières aux mains de 26 compagnies étrangères opérant en Bolivie dont Total fait partie, ainsi que Petrobras (Brésil), Repsol (Espagne), British Gaz (Royaume-Uni), ExxonMobil (Etats-Unis), PLuspetrol (Argentine).
Faisant l'objet d'une diplomatie pétrolière et gazière accrue, compte-tenu des prix élevés du gaz, la Bolivie détient la seconde réserve de gaz d'Amérique du sud (1.375 milliards de mètres cubes) après le Vénézuela. En mai 2005, le pays avait promulgué une nouvelle loi sur les hydrocarbures dont le but était de revoir à la hausse les taxes et les royalties que les multinationales payent à l’Etat bolivien, fixées désormais à 50% des revenus nets.
I – La position du futur gouvernement
Le leader socialiste Evo Morales a remporté le premier tour de l'élection présidentielle dimanche avec plus 51% des voies. Les résultats officiels seront connus dans les prochains jours. Dirigeant indigène du Mouvement vers le socialisme (MAS) et chef des planteurs de coca, il devrait devenir le premier président indien d'Amérique du Sud.
« Le gouvernement du MAS va exercer le droit de propriété comme n'importe quel état a l'obligation d'exercer le droit de propriété » a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse. Il s'agirait de reprendre la possession de la terre où se trouve les gisements sans modification en profondeur du système actuel. Les spécialistes en hydrocarbures du futur gouvernement souhaitent en effet trouver un "terrain d'entente" avec les pétroliers tout en renforçant le contrôle des compagnies et obtenir une révision des contrats à la hausse.
Le candidat Evo Morales avait néanmoins averti que s'il était élu, il nationaliserait les ressources énergétiques de Bolivie, pour que la terre où se trouve les gisements revienne à l'état bolivien. Sa position n'est donc pas des plus claires.
Les spécialistes à La Paz estiment que les mesures annoncées par le candidat Morales pourraient prendre en réalité la forme d'un contrôle accru de l'Etat sur les 26 compagnies pétrolières étrangères opèrant en Bolivie. Les compagnies, dont Total (France), Petrobras (Brésil), Repsol (Espagne), Exxon Mobil (USA), British Gaz (GB), deviendraient ainsi des prestataires de services.
II – Réaction immédiate de REPSOL
Le président du premier groupe pétrolier espagnol, Repsol YPF, Antoni Brufau, "a félicité" Evo Morales pour sa victoire aux élections en Bolivie, pays dans lequel Repsol est fortement implanté, et où il "poursuivra ses activités".
Repsol-YPF mène en Bolivie le puissant consortium Andina, via lequel il contrôle 25,7% des réserves gazières du pays. En 2004, la Bolivie a représenté 1,4% du résultat opérationnel du groupe, septième producteur mondial d'hydrocarbures.
Le titre Repsol n'a cessé de baisser à la Bourse de Madrid depuis l'ouverture de la séance et reculait de 2,31% à 24,56 euros à la clôture.
Selon des analystes espagnols , il semble prématuré d'anticiper car les ressources pétrolières de la Bolivie ne peuvent être développées sans les investissements des compagnies étrangères. Une éventuelle nationalisation pourrait en fait se convertir en contrats de services attribués par l'Etat bolivien aux compagnies pétrolières.
III - Nouvelle loi sur les hydrocarbures et climat politique Bolivien
Le parlement bolivien a promulgué le 17 mai 2005, une nouvelle loi sur les hydrocarbures qui a pour but de revoir à la hausse les taxes et les royalties que les multinationales payent à l’Etat bolivien qui seront désormais de 50% sur les revenus nets.
Le chef de l’Etat d'alors, Carlos Mesa, avait décidé, sous la pression de nombreuses manifestations populaires, de ne pas émettre son veto pour apporter les modifications souhaitées par les multinationales.
L’exploitation et la commercialisation du gaz sont au coeur de la profonde crise sociale qui secoue la Bolivie où le président constitutionnel, Gonzalo Sanchez de Losada, devait renoncer au pouvoir le 17 octobre 2003. Ce jour-là, la répression policière provoquait la mort de près d’une centaine de personnes au cours de manifestations qui avaient paralysé des points névralgiques du pays.
Sanchez de Losada s’étant exilé, le congrès installait à la tête du pouvoir son vice-président Carlos Mesa qui organisa en juillet 2004 un référendum au cours duquel la majorité se prononça en faveur de « la récupération du gaz par l’Etat » et pour une augmentation conséquente des droits d’exploitation.
Des nouvelles vagues de protestation ont commencé en janvier dernier et se sont amplifiées pour réclamer, par-delà l’augmentation des droits d’exploitation du gaz, la nationalisation pure et simple de cette ressource.
IV - Position de PETROBRAS sur la nouvelle loi
Petrobras estime que la nouvelle loi sur les hydrocarbures pourrait affecter ses futurs investissements mais sans mettre en cause ses opérations en Bolivie. Un projet de complexe pétrochimique, prévu à la frontière Bolivie - Brésil risquerait pourtant d’être remis en question. Depuis 1997 un montant de 3,5 milliards de dollars a été investi par les multinationales.
Pays frontaliers, l’Argentine et le Brésil sont les principaux destinataires du gaz bolivien. Malgré le degré d’instabilité, ils comptent poursuivre leur coopération économique et commerciale avec le pays andin avec qui ils forment le « Mercosur ».
Bien plus que les avatars commerciaux, c’est le risque d’ingouvernabilité de la Bolivie qui préoccupe la région.
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