Une solution en option, la séquestration
XXIe siècle. EnvironnementUne solution en option, la séquestration
A terme, 20% des émissions de CO2 industriel pourrait être capturé et stocké en sous-sol.
Par Sylvestre HUETsamedi 03 juin 2006
Pratiqué depuis quelques années, étudié intensément, l'enfouissement géologique du gaz carbonique représente un défi technique, mais aussi une piste sérieuse dans le difficile dossier du changement climatique. Lorsque l'idée d'une telle solution est née, on a pu craindre qu'elle encourage la consommation des ressources fossiles ou qu'elle génère de nouveaux risques environnementaux. Rééxaminé par le GIEC (le groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) dans un récent rapport (1), le projet de capter le CO2 industriel et de le séquestrer en sous-sol est redevenu d'actualité. Avec une dimension nouvelle, plus modeste dans ses objectifs, plus réaliste dans ses coûts, plus prudente dans l'estimation du risque... mais aussi plus probable dans sa réalisation. Exploration en huit questions.
Dans quelle mesure la séquestration du gaz carbonique peut résoudre les problèmes issus de l'usage des ressources fossiles ?
L'étude du GIEC estime que, d'ici 2050, la séquestration géologique pourrait concerner 20 % du total des émissions mondiales de gaz carbonique. Ceci, à condition que toutes les questions en suspens (sites de stockage, technologies de capture, coûts) aient été résolues et que la technique de séquestration ait été mise en place à l'échelle mondiale, sur la plupart des sources massives de gaz carbonique (centrales électriques au charbon, fioul et gaz, usines sidérurgiques, cimenteries, usines d'engrais...). L'effort vaut donc le coup. Mais cette solution technique ne sera jamais là qu'un des moyens de limiter la perturbation du climat, aux côtés des économies d'énergie, des techniques n'utilisant pas de combustibles fossiles (solaire, éolien, nucléaire, géothermique, hydraulique) et de la reforestation...
Quelles sont les sources d'émission de CO2 concernées ?
D'après le GIEC, on compte aujourd'hui sur la planète près de 8 000 installations industrielles émettant chacune plus de 100 000 tonnes de gaz carbonique par an. Ensemble, elles émettent plus de 13 milliards de tonnes de gaz carbonique par an. Parmi ces installations, il y a 5 000 centrales produisant de l'électricité ou de la chaleur. Ce nombre devrait croître fortement en raison des projets de centrales électriques au charbon et au gaz dans les pays émergents (Chine, Inde, Amérique latine).
Combien de CO2 pourrait-on stocker dans le sous-sol ?
Le BRGM (Bureau des recherches géologiques et minières) s'est livré à une estimation des capacités mondiales de stockage. Les gisements de charbon inaccessibles ou inexploitables ne pourraient accueillir que moins de deux ans d'émissions actuelles (40 milliards de tonnes). Les gisements d'hydrocarbures (gaz et pétrole) pourraient héberger 950 milliards de tonnes. En revanche, les aquifères salins (réserves d'eau souterraines impropres à la consommation) offrent une capacité de stockage allant de 400 à 10 000 milliards de tonnes. Il est possible de commencer à stocker dans les gisements d'hydrocarbures, mais si la séquestration du dioxyde de carbone est généralisée, le recours aux aquifères salins deviendra indispensable.
Le transport et le stockage du gaz est-il dangereux ?
L'essentiel du transport se ferait dans des gazoducs. Le gaz carbonique liquéfié pourrait également être convoyé en navires (comme le gaz naturel) ou en citernes. Les technologies sont connues, mais le risque d'accident par émission massive en région habitée doit être très bas pour être acceptable, le CO2 étant mortel si sa concentration dans l'air dépasse les 10 %. Ainsi, le dégazage brutal du lac Nyos, au Cameroun, en 1986, a tué 1 700 personnes. Installer un site de stockage près d'une zone habitée nécessite de vérifier que toute remontée rapide du gaz est exclue sur une durée très longue.
Que deviendrait à long terme le C02 stocké ?
Le CO2 doit être injecté à une profondeur d'au moins 800 mètres, sous 800 bars de pression et à une température d'environ 40 °C. Il se présente alors sous une forme dite «supercritique», ni gaz ni liquide, en équilibre avec son environnement. Son devenir est alors défini par ce dernier. Injectée dans un aquifère, une petite partie du CO2 va petit à petit se dissoudre dans l'eau (formant une énorme réserve d'eau gazeuse) puis réagir avec les minéraux et se transformer en calcaire, sur des milliers ou des millions d'années. Dans un gisement d'hydrocarbures, il va remplacer gaz et pétrole exploités. Dans un gisement de charbon, il va se fixer définitivement.
A-t-on déjà une expérience de la séquestration géologique ?
Il existe trois sites où l'on injecte environ un million de tonnes de CO2 par an. Un aquifère salin sous-marin en mer de Norvège, à partir d'une plate-forme pétrolière (Sleipner). Au Canada, sur le site pétrolier de Weyburn, avec un CO2 provenant d'une usine de gazéification du charbon du Dakota (Etats-Unis), située à 300 km. Un gisement de gaz, à In Salah, Algérie.
Peut-on stocker le CO2 dans les océans ?
Envisagée au départ, l'idée d'envoyer le gaz carbonique dans les océans à moyenne profondeur ou dans les abysses a été vivement critiquée. L'impact écologique soulève beaucoup de questions.
(1) Rapport téléchargeable sur http://www.ipcc.ch/
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