Bolivie : Nationalisation des hydrocarbures
Evo Morales nationalise les hydrocarbures en BoliviePar Lamia Oualalou
02 mai 2006, Le Figaro (Rubrique International)
L'armée a pris possession des champs exploités par les multinationales étrangères.
RIEN DE TEL qu'un week-end à La Havane entre Fidel Castro et Hugo Chavez pour en finir avec les hésitations. Rentré de Cuba hier, le président bolivien Evo Morales a surpris tout le monde en annonçant la nationalisation des hydrocarbures de son pays. Après des mois de tergiversations, il a opté pour la manière forte. «Nous demandons aux forces armées, ainsi qu'à des bataillons d'ingénieurs, d'occuper dès maintenant tous les gisements», a-t-il déclaré. L'armée s'est exécutée, qualifiant la décision d'Evo Morales de «nationalisation intelligente». Les vingt-six compagnies étrangères installées dans le pays, dont la brésilienne Petrobras, la française Total, l'Espagnole Repsol ou encore l'américaine ExxonMobil, ont 180 jours pour négocier de nouveaux contrats, sous le signe, dit le gouvernement, «de l'équité et de la justice».
En privé, certains dirigeants des compagnies étrangères reconnaissent que cette équité a trop longtemps été absente des contrats boliviens. Non seulement la population n'a jamais profité des bénéfices engendrés par l'exploitation des ressources naturelles (mines hier, hydrocarbures aujourd'hui), mais ces derniers étaient faibles. Le Brésil et l'Argentine, puissants voisins voraces en énergie, avaient bien trop intérêt à s'approvisionner en gaz à bas prix pour se préoccuper des conséquences de ce partage inégal sur le pays le plus pauvre d'Amérique du Sud. La Bolivie est depuis trois ans en ébullition, le débat sur l'exploitation des hydrocarbures ayant déjà entraîné la chute de deux présidents. Evo Morales le sait : depuis cent jours au gouvernement, il doit déjà affronter une vague de mouvements sociaux lui rappelant ses engagements.
Une popularité historique
C'est fort d'une popularité historique (près de 80%), que le chef d'Etat bolivien décide d'imiter un de ses voisins, Hugo Chavez. Le président vénézuélien a imposé plus que négocié une transformation des contrats avec les multinationales étrangères contraintes d'accepter ses propositions avant le 31 mars dernier, ou d'abandonner certains de leurs champs. Hormis l'américaine ExxonMobil, elles ont toutes accepté, avec la grimace. Le niveau historique des cours du pétrole (plus de 70 dollars le baril), les en a convaincus. Mais la Bolivie a beau être à la tête du deuxième plus grand gisement de gaz du continent, elle n'est pas dans la même situation. Ses capacités financières inexistantes et l'absence de savoir-faire la font dépendre des entreprises étrangères. Surtout, Evo Morales prend le risque de braquer le Brésil, dont les entreprises contrôlent un bon tiers de l'activité du pays, dans les hydrocarbures, l'agriculture ou les mines.
Ayant annoncé qu'il gouvernerait sans tuteur, Evo Morales passe pourtant progressivement dans l'ombre d'Hugo Chavez. Un mouvement qui s'explique sans doute en partie par le repli du Brésilien Luiz Inacio Lula da Silva sur son pays, à six mois de l'élection présidentielle. Ce week-end, à La Havane, Evo Morales a décidé de faire de son pays le troisième membre de l'Alternative bolivarienne pour les Amériques (Alba), un projet régional d'intégration économique et politique dont la dynamique dépend exclusivement des pétrodollars d'Hugo Chavez.
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