mardi, mars 21, 2006

Pétrole : or noir .. de nuages

Par Elisabeth Studer le 17 mars 2006

Oil4De la mer du nord au Vénézuela en passant par le Sénégal, le pétrole est source de tensions politiques, ou de conflits financiers allant même jusqu'à provoquer des pénuries d'approvisionnement limitant la production industrielle de certains pays.

De plus, de nombreux accidents surviennent également sur des infrastructures pétrolières de part et d'autre de la planète. Comme nous nous étions préalablement interrogés : pétrole, bénédiction ou malédiction ?

Faisons le point des nouveaux événements survenus récemment : édifiant tout de même ...

1 – Dakar : le pétrole coupe l'électricité

Depuis plusieurs jours, de nombreux habitants de Dakar se plaignent de la recrudescence des coupures d'électricité, qui selon la Société nationale d'électricité du Sénégal (Sénélec), sont notamment liées à des perturbations dans le secteur pétrolier. Vaste sujet dont nous analyserons tous les aspects en détail au plus tôt, Total y étant fortement impliqué, mais tout d'abord : depuis quelques jours, on assiste à une recrudescence des délestages qui touchent aujourd'hui tout le monde, reconnaît la Sénélec dans un communiqué publié jeudi par le quotidien pro-gouvernemental Le Soleil.

Cette situation est due essentiellement à l'arrêt accidentel depuis le 26 décembre 2005 d'une des centrales de la Sénélec d'une puissance de 50 mégawatts, et l'arrêt des livraisons de diesel oil par les pétroliers, entraînant l'arrêt d'importantes unités de production dans 3 centrales électriques ayant 30, 40 et 4 MW. Au total, ce sont 124 MW qui sont à l'arrêt, portant ainsi le déficit de production à 80 MW, la société s'engageant à tout mettre en oeuvre pour un retour rapide à la normale. Aucun détail n'est fourni néanmoins sur les mesures en cours ou envisagées, ni sur la durée approximative des délestages. Selon le journal, il faudrait attendre octobre 2006 pour une bonne distribution de l'électricité.

Les délestages récurrents, non annoncés et non planifiés entraînent en certains endroits des perturbations dans la fourniture en eau potable, allant de baisse de pression à la coupure. Des supermarchés déclarent avoir revu à la baisse leur approvisionnement en produits de la chaîne du froid, et certains commerces du centre-ville, ont même fermé boutique le temps des coupures. Une association de consommateurs invite la Sénélec à indemniser ses clients. Société anonyme à capitaux publics majoritaires, la Sénélec est chargée de la production, du transport et de la distribution de l'énergie électrique sur l'ensemble du territoire sénégalais. Son capital est de près de 181,25 millions d'euros.

2 – Vénézuela : fermeture provisoire des bureaux de Total

Le fisc vénézuélien, dénommé Seniat, a annoncé la fermeture pour deux jours des bureaux de la filiale locale du groupe Total, après l'expiration jeudi du délai accordé pour le paiement d'arriérés d'impôts évalués à 108 millions de dollars. Mardi, le Seniat avait accordé deux jours supplémentaires à Total Oil pour régler ses arriérés après une première mise en demeure envoyée le 8 mars qui fixait la date limite au 14 mars. Le Venezuela réclame à Total environ 108 millions de dollars d'impôts que la firme aurait omis de régler entre 2001 et 2004, auxquels se sont ajoutés des pénalités et intérêts de retard jusqu'au 31 décembre 2005.

Des dirigeants de Total s'étaient réunis lundi avec la direction du Seniat pour discuter du paiement des arriérés réclamés. Le Seniat a d'ores et déjà récupéré des arriérés d'impôts auprès de 22 entreprises pétrolières qui, selon l'organisme, avaient négligé d'appliquer une nouvelle loi sur les hydrocarbures entrée en vigueur en 2001 et prévoyant un impôt sur les recettes de 50%. Les compagnies pétrolières qui se basaient sur des contrats de concession signés dans les années 90 versaient une taxe de 36%, le gouvernement estimant pour sa part qu'une telle pratique ne respectait pas la nouvelle loi sur les hydrocarbures.

3 – Une plate-forme Shell en feu en mer du Nord

Un incendie s'est déclaré jeudi matin à bord d'une plate-forme pétrolière britannique en mer du Nord, la majeure partie du personnel, soit 128 personnes, ayant dû être évacuée par hélicoptère, selon les garde-côtes écossais. L'alerte sur la plate-forme Tern Alpha de la compagnie Shell a été déclenchée vers 00H45 GMT à la suite d'un incendie apparemment déclenché par la surchauffe d'un moteur au niveau d'un générateur de gaz. L'incendie a été totalement maîtrisé vers 00h50 GMT, ont précisé les services de secours.

Sur les 184 personnes travaillant sur la plate-forme, située à 165 kilomètres au nord-est d'Aberdeen (Ecosse), seules 56 sont restées sur place lors de l'incendie. Les 128 autres ont été évacuées par quatre hélicoptères des garde-côtes et de l'aviation militaire britannique. Le personnel évacué a été transféré sur la plateforme North Cormorant, une plateforme voisine appartenant également à Shell.

Selon Michael Mulford, de la Royal Air Force, les opérations d'évacuation se sont déroulées de façon "exemplaires" et les leçons ont été retenues depuis la catastrophe de la plate-forme pétrolière Piper Alpha, en mer du Nord, en juillet 1988. Lors de l'incendie de cette plate-forme, 167 des 226 hommes sur place avaient trouvé la mort.

4 – Alaska : fuite de 1 Million de litres de brut

Jusqu'à un million de litres de brut se sont déversés dans la nature après la rupture d'un oléoduc au nord du cercle polaire en Alaska au début du mois - comme nous étions une des rares presses francophones à l'évoquer - il y a une semaine, constituant ainsi la pire pollution de l'histoire dans cette région, selon un nouveau bilan des autorités publié mardi. Pour rappel, apparemment due à la corrosion, la fuite a été découverte le 2 mars sur une conduite du champ pétrolier de Prudhoe Bay, le plus important gisement des Etats-Unis à 1.000 km au nord de la ville d'Anchorage et en bordure de la mer de Beaufort.

Dans son dernier rapport, le département de l'Environnement de l'Alaska a estimé la quantité de brut ayant fui à un montant évalué entre 760.000 à 1,01 million de litres. Les hydrocarbures se sont répandus sur 0,8 hectare avant que l'oléoduc ne puisse être colmaté. Une précédente estimation, jeudi dernier, faisait état d'une fuite de 220.000 litres.

Les opérations de nettoyage sont rendues très difficiles par la météo, avec des températures ressenties inférieures à -50 degrés Celsius. La priorité demeure toujours d'aspirer le brut et de récupérer la neige polluée, pour faire en sorte que la toundra ne soit pas contaminée. Les opérations avanceraient très bien, le climat étant cependant peu favorable. La pollution est située en bordure d'un lac gelé, mais n'aurait pas atteint l'océan.

La plus grave pollution en date dans la région du nord de l'Alaska s'était produite en 1989, lorsque 127.500 litres d'hydrocarbures s'étaient répandus. La même année, le pétrolier Exxon Valdez s'était échoué sur la côte sud de l'Etat américain arctique, provoquant l'une des pires marées noires de l'Histoire avec 41,8 millions de litres.